La Fête des Lys de Nola dans la province de Naples

La Procession des lys de Nola (Festa dei Gigli) est insérée depuis 2013 dans la liste du Patrimoine culturel oral et immatériel de l’Humanité par l’Unesco. Maria Franchini nous en parle.

Si vous êtes pressé et pensez ne faire qu’un saut à Nola en Campanie pour avoir une idée de la FESTA DEI GIGLI, mieux vaut y renoncer. Car à cette fête-là, une fois que l’on y est, on y reste! Pas moyen de rebrousser chemin : la foule est un torrent en crue qui vous emportera comme une branche flottante jusqu’à ce que le giglio, le lys, cesse sa danse. Mais ne craignez rien, cette eau tourbillonnante est à l’image d’une coulée de lave qui fertilise sans détruire.

La Fête des Lys de Nola

C’est en connaissance de cause que j’en parle, en tant que fille d’une Nolana pure souche qui pendant 29 ans n’a pas manqué une seule célébration de ce rituel dont les origines se perdent dans le fin fond des âges. Bien avant la jolie légende chrétienne (voir plus bas), au moment du solstice d’été on accomplissait des rites propitiatoires en l’honneur des divinités fécondatrices. On représentait alors la force créatrice de la vie par un grand tronc d’arbre que les hommes devaient transporter à force de bras pour exprimer leur virilité (et donc fertilité). Aujourd’hui, le bois des arbres sert à former le squelette du giglio, qui s’est enrobé de féeriques décorations en papier mâché.

Les spectateurs sont partout : ceux qui ne suivent pas le lys de leur quartier dans son défilé à travers la ville applaudissent des balcons et des terrasses en lançant confettis et dragées assortis de vivats enthousiastes… Le ballet surréaliste de ces tours de 25 mètres pesant trois tonnes (sans compter l’orchestre placée sur sa base) portées par 150 hommes, a lieu chaque année autour du 20 juin le dimanche matin devant la cathédrale, dans une explosion de chants et d’instruments de fanfare, dans une éruption de liesse populaire sans frontières. Vers 13h30 la danse cesse et les lys s’alignent sagement pour la remise des prix aux trois créateurs qui ont accompli le plus de prouesses en papier mâché. Car, à Nola, les sculptures de cette humble matière ont une longue tradition, et leur beauté rivalise avec le stuc et le marbre. Seul un œil très expérimenté pourrait en déceler la différence.

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Entre histoire et légende

La fête chrétienne est consacrée à Saint Paulin de Nole (355-431), un richissime patricien romain, d’origine bordelaise qui, nommé consul de la Campanie, s’établit à Nola et en devient l’évêque. Elève d’Ausone, il fut le premier poète chrétien et l’inventeur des cloches en tant qu’instrument liturgique. C’est également à cet illustre personnage que l’on doit la construction des sept basiliques de Cimitile (voir à ce lien mon article Campanie, terrre inexplorée et méconnue).

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Le 22 juin, jour de la mort du saint (ou le samedi et dimanche suivant cette date), on célèbre un événement légendaire transcrit par le Pape Grégoire 1er le Grand : lors de l’invasion des Vandales au Ve siècle, beaucoup d’habitants sont capturés, envoyés et réduits en esclavage sur le continent africain. Parmi eux, le jeune fils d’une veuve sans biens, laquelle implore l’évêque Paulin de l’aider à trouver l’argent pour payer la rançon. L’évêque, ayant déjà vendu la totalité de ses immenses propriétés au profit des pauvres, propose aux Vandales un échange avec sa propre personne, ce qui est accepté. Le jeune homme est ainsi libéré et l’évêque reste en Afrique. Plus tard, Paulin révèle son identité au roi des Vandales à qui il prédit la fin prochaine de son royaume. Le roi affranchit l’évêque, ainsi que tous ses concitoyens. Ces derniers rentrent à Nola où l’accueil est triomphal. Tous les corps de métier vont accueillir leurs compatriotes en portant chacun un lys. Au cours des siècles, les lys se transforment en cierges décorés d’épis de blé, qui grandissent avec le temps jusqu’à devenir des tours effilées à la flamboyante décoration baroque, lesquelles depuis 1885, atteignent la hauteur actuelle de 25 mètres.

Depuis toujours, la fête est financée par huit corps de métiers : les maraîchers, les charcutiers, les aubergistes, les boulangers, les bouchers, les cordonniers, les forgerons et les tailleurs. Au XVIIIe s., on en ajoute un neuvième, celui des tanneurs, qui se charge de la construction d’un nouvel élément, le bateau (en souvenir du navire qui ramena les prisonniers d’Afrique).

Cette année 2019 le clou de la fête (qui a déjà débuté en mai) se déroulera le 30 juin.

Maria Franchini

N.B. Maria Franchini est l’auteur, en collaboration avec Valerio Ceva Grimaldi, du guide Jonglez « Campanie insolite et secrète » (2018)

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Un film Viméo sur la Festa dei Gigli di Nola:

Il Giorno del Cielo – Trailer from and757 on Vimeo.

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INFO IN ITALIANO:

La Festa dei Gigli di Nola patrimonio dell’Umanità

La Festa dei Gigli è una festa popolare cattolica che si tiene ogni anno a Nola in occasione della festività patronale dedicata a San Paolino che celebra il ritorno in città di Ponzio Meropio Paolino dalla prigionia ad opera dei barbari avvenuto nella prima metà del V secolo. I « gigli » sono costruzioni lignee che vengono addobbate dagli artigiani locali con decorazioni in cartapesta, stucchi o altri materiali secondo temi religiosi, storici o d’attualità.

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La festa consiste nella processione danzante di 8 Gigli più una struttura più bassa a forma di barca che simboleggia il ritorno in patria di San Paolino; la celebrazione ha luogo il 22 Giugno (o la domenica dopo) e si svolge lungo un percorso individuato nel nucleo più antico della cittadina al ritmo di brani originali e reinterpretazioni attinte dalla tradizione musicale napoletana, italiana e internazionale eseguiti da una banda musicale posta sulla base della struttura.

La tradizione della festa si intreccia con quella delle corporazioni in cui precisi erano gli obblighi di devozione in occasione delle feste patronali, finalizzati a consolidare i rapporti interni e a relazionare i consociati con la restante parte della società civile. Il « Mastro corporativo » è colui che vantando la tradizione della più antica licenza del settore è investito dell’onore di organizzare le celebrazioni per il patrono. Egli orchestra un « Maestro di festa », il « Maestro musichiere » e il « Capo paranza ».

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Maria Franchini
Maria Franchini aime se définir une femme du Sud. Née à Naples, elle y a vécu jusqu’à son arrivée en France (pour suivre son mari), où elle habite physiquement, car son cœur est toujours agrippé aux pieds du Vésuve bercé par le chant de la sirène, mère de Neapolis. Amoureuse inconditionnelle de sa terre natale et des chevaux, elle leur consacre ses pensées et ses écrits. Sans rapport apparent, le cheval incarne à la perfection l’âme napolitaine, si facile à dominer mais impossible à dompter, si amicale avec les bienveillants et si redoutable avec les malveillants. Naples et le cheval, victimes de leur beauté, attirent toutes les convoitises, mais ils résistent à toutes les blessures en restant libres même en esclavage. Naples et le cheval ont inspiré (et inspirent) les poètes et les artistes par milliers sans qu’aucun d’entre eux n’ait jamais pu en percer le secret. Nul être au monde n’aurait pu mieux que le cheval indompté être brodé sur le blason de cette ville/monde. Parmi ses publications: "Dictionnaire insolite de Naples (Ed Cosmopole, 2015), "Naples, insolite et secrète" (Ed Jonglez).

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