30 minutes avec Cristina Comencini invitée de la Grande Table de France-Culture

Réalisatrice, scénariste et écrivaine italienne, confinée pendant huit semaines à Rome, Cristina Comencini, dont le roman Quatre amours vient récemment de sortir chez Stock, était l’invitée de l’émission La Grande Table de France Culture de ce mardi 13 mai. De Rome, elle s’entretient avec la journaliste Olivia Gesbert, dans le cadre d’une série d’émissions intitulées « Regards d’écrivains en temps incertains ».

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Emission en ré-écoute à ce lien (28mn):

https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-culture/regards-decrivains-en-temps-incertains-35-cristina-comencini

Image: Douglas Kirkland – editions-stock.fr

 

Présentation de La Grande Table 

Le 12 mars dernier, en plein confinement italien des plus stricts, Cristina Comencini publiait dans Libération une lettre ouverte remarquée dans laquelle elle dépeignait pour ses « Chers cousins français » les conditions de vie recluse qui nous guettaient.
Quelques jours plus tard paraissait chez Stock son douzième roman, Quatre amours, traduit de l’italien par Dominique Vittoz.
Presque deux mois plus tard, alors que l’Italie entamait un déconfinement très progressif le 4 mai, Cristina Comencini frappait encore en mettant en ligne sur les principales plateformes italiennes son dernier film, Tornare, thriller sur l’inconscient qui fit la clôture de la 14e Fête du Cinéma de Rome en octobre dernier.

♣ Le roman, c’est la possibilité d’ouvrir une fenêtre sur l’intérieur, mais aussi sur l’extérieur. La littérature donne la sensation qu’en regardant par la fenêtre, depuis un huis-clos, un intérieur comme ces jours-ci, on voit quand même à l’extérieur. Les deux choses communiquent, comme une fenêtre ouverte ou fermée. L’intérieur et l’extérieur sont toujours en communication.
(Cristina Comencini)

La réalisatrice, scénariste et écrivaine italienne, fille du réalisateur Luigi Comencini, est souvent qualifiée d’“auteure de l’intime, car elle excelle à dépeindre les couples dans leur quotidien, leurs bonheurs et leurs doutes (Lucy, 2015 ou Quatre amours, 2020). Résolument optimiste, elle voit dans cette période de réclusion chez soi un “moment de vérité” à deux, mais aussi au niveau individuel : il s’agit selon elle de « régler nos comptes avec un sentiment que nous évitons à tout prix : l’ennui », ainsi qu’avec « la lenteur, le silence, les heures vides » — un voyage qu’elle annonçait long d’emblée.

♣ C’est très difficile pour les Occidentaux de rester assis, dans le vide. Le confinement nous a appris ça : on a souvent la mémoire courte, mais on pourrait essayer de le garder.
(Cristina Comencini)

Le confinement serait alors avant tout une crise de l’intime, de l’intériorité, poussant chacun à se retrancher non seulement chez soi mais en soi.
Ces mots font écho à ceux d’une autre auteure italienne, Silvia Avallone, qui écrivait mi-avril dans L’Obs comment elle apprenait à « chérir le vide » et à « créer à la maison un laboratoire secret des manques et des désirs ». (ndr. un très beau texte à lire!)

Alors que les articles, émissions et témoignages fleurissent partout sur “l’amour en confinement”, les deux dernières oeuvres de Comencini citées plus haut semblent tomber à pic: son roman, dont le titre original était « Da soli » (« Tout seuls »), décrit le cheminement intime de deux couples sexagénaires qui se séparent, leur solitude et leur difficulté à vivre ensemble, tandis que son film explore le monde intérieur et les souvenirs d’une femme de retour dans la maison de son enfance…

♣ La modernité, c’est l’incertitude des relations : une phrase de mon livre dit d’ailleurs qu’ »Il n’y a rien de plus incongru et antimoderne qu’aimer une seule personne toute sa vie. »
(Cristina Comencini)  

♣ Il me semble que la chose qui a le plus changé au monde, ce sont les relations hommes-femmes. (…) Le rôle des femmes dans la famille a totalement changé, et celui des parents et des grands-parents aussi. C’est comme si l’amour, la famille, les relations, étaient un work in progress, en train d’être rebâties. On essaie de comprendre comment avoir une stabilité, une durée des choses, dans une liberté et une parité.
(Cristina Comencini)  

S’il s’agit donc bien d’un “temps de l’incertitude”, selon le maître mot de l’édition virtuelle des Assises Internationales du Roman 2020 de la Villa Gillet, un temps propice à l’angoisse. Cristina Comencini y voit également une période féconde pour observer et chercher à comprendre l’autre, dans une forme de dialogue renouvelé.

Strictement confinée dans son appartement romain pendant huit semaines, celle qui vit habituellement entre Paris et Rome témoigne désormais de la réouverture progressive de son pays depuis le 4 mai, et s’interroge sur ce qu’on retiendra de cette crise inédite : la prise en compte nouvelle du changement dans les relations hommes-femmes et les structures familiales, le rapport au temps distendu « comme dans les films de Sergio Leone », l’apprentissage du vide

♣ L’incertitude pose le problème des limites. L’incertitude me fait très peur, mais c’est aussi le fait qu’on essaye, qu’on peut se tromper, qu’on regarde ce que fait l’autre. Ça produit beaucoup de richesses : c’est un mot qui n’est pas négatif pour moi.
(Cristina Comencini)  

♣ Le confinement fait aussi ressortir que le double travail que font en majorité les femmes est un travail fondamental pour la société : le welfare de l’Italie, c’est un peu ce double travail des femmes. (…) Le confinement a fait comprendre que le privé a été le public, et inversement.
(Cristina Comencini)

Si l’Italie compte le bilan le plus lourd de l’Union européenne avec plus de 30 000 décès et près de 220 000 cas de Covid-19. Entré en « phase 2 » de la lutte contre la pandémie, le pays verra normalement rouvrir le 18 mai tous les commerces de détail ainsi que les musées, les lieux culturels et les bibliothèques. Les écoles, quant à elles devraient rester fermées jusqu’en septembre.

♣ Il faut essayer de temps en temps de ne pas y penser, (…) chercher à revivre sans cette présence continue du virus.
(Cristina Comencini)  

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