‘Primadonna’ de Marta Savina au cinéma. Une femme courage qui fit évoluer la loi.

TOUJOURS AU CINEMA (3e semaine)! Primadonna, le premier long-métrage de la réalisatrice italienne Marta Savina, sorti en Italie en mars dernier (le jour de la “Festa della donna”), est arrivé dans des salles françaises mercredi 17 janvier. C’est un film empathique et fort, qui traite de respect, liberté, courage, justice, et parle à chacun de nous. Un très beau film, à voir. Un partenariat Altritaliani.

film Marta Savina

La trame di Primadonna s’inspire d’une histoire vraie, celle de Franca Viola, devenue en Italie une icône de la lutte pour l’émancipation féminine à laquelle la réalisatrice avait d’ailleurs consacré un court-métrage il y a cinq ans.  En Sicile, en 1965, enlevée et violée par son «ex  fidanzato», donc déshonorée aux yeux de toute la communauté, Franca Viola refuse d’accepter le «mariage réparateur» qui aurait permis au ravisseur, selon la tradition sicilienne et la loi italienne, d’échapper à des poursuites judiciaires. Bouleversant des habitudes patriarcales séculaires, elle le traîne devant les tribunaux pour obtenir justice. Cette grande première va ouvrir la voie au combat pour les droits des femmes. L’écrivaine Viola Ardone a également abordé ce thème dans son très bon livre  Oliva Denaro  (Einaudi 2021). L’affaire, très médiatisée à l’époque, fut marquante et essentielle pour faire évoluer la loi:  en 1981, vingt ans plus tard, les articles 544 et 587 du code pénal italien furent abrogés, mettant finalement fin au délit d’honneur ainsi qu’au mariage réparateur.

Mais revenons au film de Marta Savina dont l’intention, le spectateur le perçoit rapidement, est de raconter une histoire universelle, toujours contemporaine d’émancipation féminine, loin des clichés du genre, plus qu’un film historique.

Lorenzo Musico’ et Lia Crimi – photo Destiny Films

Avec Lia Crimi, la protagoniste principale de Primadonna (une merveilleuse Claudia Gusmano, astre naissant du cinéma italien), la réalisatrice nous emmène dans la Sicile des années ’60, dans les monts Nebrodi près de Messine «où les villages gardent encore une saveur intemporelle», une Sicile représentée dans sa religiosité archaïque, dans la collusion entre église, autorités locales et mafia, dans l’impuissance de la police.
Lia a 21 ans et se distingue immédiatement des autres filles. Elle est volontaire et combative, parfois têtue, adore travailler la terre avec son père, bien que sa mère essaie de lui faire comprendre qu’il serait plus convenable qu’elle reste à la maison et s’occupe d’autres choses, comme il sied aux femmes. Son intelligence, sa beauté, son magnétisme attirent l’attention de Lorenzo Musicò, fils du boss local. A travers regards et rencontres secrètes naît entre eux une sorte d’alchimie qui ne plaît pas au père de Lia, peu disposé à consentir à des fiançailles «avec ces gens-là». Les propres sentiments de Lia vacillent et finissent par se heurter aux intimidations et à l’arrogance du jeune Musicò habitué à tout obtenir. Lia le refuse. Un refus qui humilie la famille de notables des Musicò. Fou furieux, Lorenzo l’enlève et la viole pour s’approprier celle qu’il considère être «sa chose». Contrairement aux traditions ancestrales en vigueur, la jeune fille n’accepte pas le «mariage réparateur» proposé par les Musicò et destiné à sauver sa famille de la honte d’avoir une fille déflorée. Soutenue par ses parents, tous deux formidables, et l’aide d’un avocat atypique, elle va poursuivre Lorenzo et ses complices en justice.

Un procès public aura lieu à Palerme et il lui faudra un grand courage, tant était grande l’humiliation, pour réussir à parler et raconter aux juges. «Êtes-vous sure, lui demande insidieusement l’un d’eux, que vous n’avez pas éprouvé du plaisir?»

Lorenzo sera condamné à 11 ans de réclusion. Une victoire chèrement payée.

Le film se termine toutefois sur une note amère, la réflexion du père de Lia qui dit en substance: je suis fier de toi, mais nous n’aurons pas gagné tant que la société, les mentalités et la loi ne changeront pas. « ILS gagnent toujours ». Nous ne pourrons plus vivre tranquilles.

Un autre point que je voudrais relever est que la réalisatrice de Primadonna a eu l’astuce de ne pas tomber dans le piège de dépeindre Lia comme une martyre ni de diaboliser Lorenzo. Le garçon est également victime, évidemment dans une moindre mesure, du système patriarcal dans lequel il vit, car bien qu’il ait agi d’une manière conforme aux usages courants, il s’est retrouvé devant le tribunal et a été condamné. Marta Savina a ainsi su donner vie dans ce film à des personnages vrais, ni noir ni blanc, dynamiques, évoluant au cours du film, et donc psychologiquement très intéressants.

Au-delà du message, qui fait écho aux nombreux cas de violences sexuelles envers les femmes toujours d’actualité 60 ans plus tard dans de nombreux pays du monde, ce film est un coup d’essai très réussi de Marta Savina et Altritaliani, avec conviction et plaisir, en soutient la sortie. Le film a déjà été primé dans plusieurs festivals (en France, Villerupt et Ajaccio). Le casting est impeccable: outre la déjà citée Claudia Gusmano (Lia Crimi), jouent dans le film Fabrizio Ferracane (dans le rôle du père, Pietro Crimi), Manuela Ventura (la mère), Dario Aita (Lorenzo Musicò), Francesco Colella (Amedeo Orlando), tous excellents.

Evolena

😍😍Jeu-concours: Dans le cadre d’un partenariat avec le distributeur français, Destiny Films, des invitations pour deux personnes sont à tenter de gagner en écrivant un mail à Altritaliani.partenariats@yahoo.fr en indiquant votre nom et adresse postale, et « Primadonna » en objet. JEU-CONCOURS TERMINÉ !!

BANDE-ANNONCE, le film en sicilien est bien sûr sous-titré en français:

 semaine 3 (du 31 au 7 février):

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Evolena
Michèle Gesbert est née à Genève. Après des études de langues et secrétariat de direction elle s'installe à Paris dans les années '70 et travaille à l'Ambassade de Suisse (culture, presse et communication). Suit une expérience associative auprès d'enfants en difficulté de langage et parole. Plus tard elle attrape le virus de l'Italie, sa langue et sa/ses culture(s). Contrairement au covid c'est un virus bienfaisant qu'elle souhaite partager et transmettre. Membre-fondatrice et présidente d'Altritaliani depuis 2009. Coordinatrice et animatrice du site.

1 COMMENTAIRE

  1. Merci à Marta Savina pour ce beau film que j’ai eu la chance de voir en avant-première.
    Le jeu des acteurs est troublant de vérité ; la mise en scène, sobre et sincère ; et les paysages de Sicile, magnifiques. J’ai apprécié le refus de s’apitoyer sur la victime ou d’avilir les coupables – qui, dans le fond, n’ont fait que suivre des traditions séculaires.
    Marta Savina a pris un chemin difficile et, sur un fil, a réussi à s’en tenir aux faits sans basculer dans la mièvrerie et les clichés, mais en serrant de près la réalité et le drame humain, aussi bien pour l’héroïne, le « fiancé », les parents, la magistrature, l’église et la mafia.
    Quelques longueurs parfois, peut-être, mais que justifie l’émotion contenue, plus parlante que les mots inutiles.
    Sans cet article d’Altritaliani, il est sûr que je n’aurais pas été voir le film, de peur de tomber sur des poncifs rebattus et creux. Il n’en a rien été. Merci Evolena pour cette critique!

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