Toto qui vécut deux fois, de Daniele Cipri et Franco Maresco

Œuvre polémique, présentée en sélection officielle à Berlin en 1978, interdite en Italie avant même sa sortie, « TOTO QUI VECUT DEUX FOIS » est à l’origine de l’abolition de la censure cinématographique dans un des derniers pays de l’Union européenne à l’avoir pratiquée.


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Dès les premières images, film dans le film, projection d’un extrait gratiné du précédent opus du duo ( » LO ZIO DI BROOKLIN « ) dans une salle de cinéma glauque, on entre dans l’univers iconoclaste et blasphématoire (bien qu’ils s’en défendent) de Daniele CIPRI et Franco MARESCO.

On se dit que « ça va décoiffer « .

Et ça décoiffe !

Ames sensibles s’abstenir !

Trois histoires, en forme de sketchs, sans lien apparent, sinon des miséreux qui se croisent, l’omniprésence du sexe et une joyeuse démythification des fondements de la foi chrétienne.

Personnages monstrueux, sortis tout droit d’un film de PASOLINI ou de BUNUEL.

Trognes hallucinantes de laissés pour compte, humiliés.

Bossus, estropiés, édentés, borgnes, obsédés sexuels de tout poil.

Galerie de freaks, masturbateurs abrutis, zoophiles, évoluant dans un univers crapoteux.

Des pissotières du cinéma aux masures grouillantes de rats, du cimetière enveloppé de vapeurs nocturnes dignes d’un film d’horreur en passant par la campagne sublimée par la lumière de longs plans larges fixes, un très beau noir et blanc renvoie aux classiques.

Esthétique surprenante et inattendue dans un film aussi impertinent et provocateur.

Les silences hurlent la misère de cette Italie du Sud livrée à l’obscurantisme religieux où dévotion et sexe sont si intimement liés et traités ici avec la même dérision.

Ordure et beauté antique, homophobie dans un univers masculin (même les rôles de femme sont tenus par des mâles repoussants), misère sexuelle, monde transgressif et amoral comme celui d’Emma DANTE, palermitaine comme eux. Le dialecte palermitain si fleuri ajoute d’ailleurs au plaisir de la vision.

De l’abruti en mal de baise au messie injurieux en passant par l’homo veuf cupide,
l’existence de Dieu et les valeurs fondamentales sont balayées par un humour grinçant sacrilège.

Evangiles jouissivement mis à mal. On en redemande!

La crasse au service de l’impolitiquement correct, un film perturbant, original et étrange à voir sans tarder.

Et comme dit l’un des apôtres en conclusion d’une cène délirante :
« La fête est finie, mais on s’en est mis plein la panse ».

Marie Sorel

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