Don Giovanni, naissance d’un opéra. Un film de Carlos Saura.

Les festivités cannoises ont occulté la sortie sur les écrans, mercredi 12 mai, du «Don Giovanni, naissance d’un opéra» de Carlos Saura, une coproduction hispano-italienne.

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Ce n’est pas un Don Giovanni de plus parmi les nombreux films consacrés soit à Mozart soit au personnage du séducteur mythique, mais l’histoire de son librettiste Lorenzo Da Ponte et le récit de la naissance d’un opéra (en l’occurrence un chef d’œuvre) due à la complicité de trois figures majeures du siècle des Lumières.

Casanova le diplomate-espion plus connu pour ses conquêtes, libertin, libre penseur, son protégé Lorenzo Da Ponte abbé poète-séducteur, et le génial compositeur, tous trois francs- maçons aux idées progressistes, en révolte contre les conventions et la morale religieuse hypocrite; chacun a mis un peu de lui-même dans cette figure de légende.

© by Fabian Cevallos

«L’idée du film c’est la relation entre Da Ponte, Casanova et Mozart. On a déjà fait une quarantaine de films sur sa vie et pour le moment ça ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse c’est la manière dont se construisent les œuvres. Comment on crée un opéra, un roman, une peinture (on se souvient de son «Goya» (1999) dans lequel il disséquait le mystère de la peinture) ? Quel est le processus ? Comment peut-on inventer Don Giovanni, ce formidable opéra ? Pour moi, l’unique manière d’arriver à montrer ça c’était la relation entre Da Ponte et Mozart, cette relation d’amitié, de jeu, d’intimité….

Da Ponte est le double de Don Giovanni jusqu’au moment où il tombe vraiment amoureux d’une femme. C’est une vision très romantique, mais je crois à la possibilité de sauver un personnage comme Don Giovanni par l’amour d’une femme».

Saura ne filme pas un opéra, il montre son élaboration, le travail des répétitions, les rapports entre les différents protagonistes. Esthétique, très léchée, la photographie de Vittorio Storraro joue sur les transparences et les décors peints mêlés à quelques scènes tournées en extérieur à Venise, brumes et fumées les enveloppant d’une poésie qui vacille entre réel et imaginaire.

© by Fabian Cevallos

«J’ai toujours été fasciné par le Diorama, ce spectacle du 19ème siècle où étaient représentés, au moyen d’un jeu habile de rideaux avec des peintures très réalistes, des scènes formant des villes, des panoramas lointains et pittoresques, des événements historiques, etc.., tout cela en grandes dimensions et dans des espaces spacieux dédiés à ce besoin.

Nous avons fait dans Don Giovanni, Naissance d’un opéra, quelque chose de semblable en utilisant les avancées techniques que nous possédons aujourd’hui. Toute la mise en scène du film est apparente, artificielle, composée
de photographies agrandies et accrochées comme des rideaux dans le studio, reconstituant les rues, places, maisons et palais de Venise et Vienne. Un travail pour lequel nous avons fait appel à des experts qualifiés capables de donner vie à nos idées.»

© by Fabian Cevallos

Les costumes et les décors somptueux (tels le bordel ingresque), les comédiens peu connus mais remarquables, les chanteurs dotés d’un rare naturel face à la caméra, la musique jouée sur des instruments d’époque contribuent à faire de ce bijou un pur moment de bonheur … classique.

Marie Sorel

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