C’était en 2022 à l’Iconoclastes Galerie près de l’Opéra que j’avais eu grâce à mon amie belge Magali Vilain, grande passionnée de la cité de la sirène, la surprise de découvrir le travail du photographe de rue et plasticien français Jean-Luc Dubin.
La beauté et l’originalité de son regard sur Naples, la manière dont il a su transcrire en images l’humanité et l’étonnante singularité napolitaine m’ont marquée. Parce qu’à Naples chaque manifestation de la vie, même la plus profane, porte en elle quelque chose de profondément sacré. Comme dans la théorie de la relativité, l’espace et le temps s’y rejoignent.
Dans ce travail, le noir et blanc, que le photographe privilégie, capte Naples, ville où la mort rôde plus qu’ailleurs et où communiquent vivants et défunts, de manière instantanée et parfois implacable. Il nous restitue Naples, entre lumière et ténèbres, pieuse, baroque et macabre, superstitieuse, mais si vivante et splendidement attachante.
Poursuivant cette exposition, vient de sortir l’ouvrage « Napoli » que Jean-Luc Dubin avait déjà en projet. J’ai aujourd’hui en mains ce livre-objet artistique et documentaire de 180 pages destiné aux amoureux de Naples, un hommage rendu aux Napolitains, tiré à ce jour à 500 exemplaires, tous numérotés et signés (prix de la série courante à l’unité 40€, frais d’expédition compris en écrivant à l’auteur) et je tenais à vous le signaler.
L’édition est élégante et soignée. Pour accompagner les photographies de Jean-Luc Dubin, trois textes ont été produits; ils constituent une passionnante sorte de conversation entre sociologie et photographie. D’abord celui de Florian Villain-Carapella, chercheur en sciences sociales dont les travaux portent essentiellement sur la religiosité populaire napolitaine, et aussi celui de Marc Goldschmit, philosophe des arts, intitulé “L’écriture photographique de Naples au-delà des images” ; enfin, en postface, un texte de Philippe Vilain, écrivain français vivant à Naples, qui traite du concept de Napoletanità, une façon singulière et unique d’être au monde, de voir, sentir, d’aimer et de penser, de vivre aussi à la manière d’un napolitain.
Mais revenons à la genèse du projet et à ce qu’en dit Jean-Luc Dubin :
« À Arles, où je montrais mon travail Monstruosité, beauté extrême, j’ai rencontré quelqu’un qui vivait en Italie. Il m’a dit : « Toi, tu es fait pour aller à Naples ». C’était en juillet 2016, et, le 3 septembre, j’étais à Naples. Dès lors, j’ai entrepris ce que j’appelle la “visite des images de Naples”. Ces images, présentées ici, sont des réalités transfigurées, des ex-voto, des croyances et des poésies de vies humaines… J’ai été happé par ce que les Napolitains font de leur ville et de leur vie. Ils sont suspendus à un rocher, et, au-dessus d’eux, il y a un volcan et la possibilité de la mort : ils ont vécu des choses effroyables, il y a eu 250 000 morts à la fin du XVIIe siècle, des épidémies, des révoltes populaires, et puis l’éruption du Vésuve, bien sûr. Ils allaient au-devant de la lave avec des statues de saint Janvier (san Gennaro) en bois, en espérant arrêter les coulées. Ce sont des gens extrêmement attachants. Et Naples fut, avec notamment le Caravage, la plus grande ville artistique d’Europe. Ma méthode est de ne pas en avoir, j’erre dans cette ville que j’ai appris à aimer, sans parler l’italien ou le napolitain. Je pratique une photographie de rue et de sous-sols, m’efforçant de laisser venir à moi les images. Mon seul prisme de réflexion est ce magnifique rituel des âmes errantes [le anime pezzentelle], qui, par la bienveillance qu’il exprime, donne une image passionnante de la pensée napolitaine ».
Le livre est très bien accueilli par les librairies, les musées (Maison Européenne de la Photographie, Jeu de Paume, etc.) et j’espère avoir suscité votre curiosité.
Evolena
Site de Jean-Luc Dubin, photographe et plasticien
Contact : jeanlucdubinnapoli@gmail.com pour vous procurer l’ouvrage ou en faire profiter des amis
LIEN INTERNE ALTRITALIANI:
Passion Naples. La “Napoletanità”, un vocable unique pour un peuple unique, de Maria Franchini.