«Vous connaissez cet endroit ? Non ? Ici à Riace est arrivé quelque chose d’extraordinaire…» Ainsi commence le film documentaire (97min) “Un paese di resistenza” de Shu Aiello et Catherine Catella qui sortira en salles en France ce 4 décembre.
Sur Altritaliani, nous avons déjà parlé à plusieurs reprises de Riace, village de Calabre, modèle de solidarité, symbole de l’accueil des migrants depuis 1998, de son maire, l’admirable Domenico Lucano et des bénévoles de l’association Città futura (notre reportage est à lire ici).
Les réalisatrices Shu Aiello et Catherine Catella ont tourné un premier film sorti en France il y a déjà 8 ans « Un paese di Calabria » pour faire découvrir Riace. Dans ce territoire qui s’était dépeuplé pendant des décennies, où la ‘Ndrangheta, la terrible mafia calabraise impose sa loi, l’accueil des migrants était considéré comme une chance de renaissance. Riace et Mimmo Lucano ont favorisé pendant 20 ans l’installation de migrants (kurdes à l’origine, puis afghans, sénégalais, maliens…) et cet accueil était considéré et vécu comme une solution pragmatique à un déclin qui semblait inéluctable. Le village mourant revenait à la vie, l’activité reprenait, on voyait là la mise en œuvre d’une “utopie réaliste”, un message d’humanité au monde, un modèle harmonieux d’intégration, qui a d’ailleurs servi d’exemple à d’autres villages.
Mais des vents mauvais commencent à souffler avec la vague populiste qui déferle sur l’Europe et, sous l’impulsion de l’alors ministre de l’intérieur d’extrême droite Matteo Salvini, la Chambre des députés italienne adopte un décret-loi durcissant la politique d’immigration. En octobre 2018 Mimmo Lucano est accusé d’encourager l’immigration clandestine et d’une série d’autres actions illégales. Démis de ses fonctions de maire, il est interdit de séjour à Riace. Il est un modèle à abattre et son village un objet d’opprobre. Le centre d’accueil, l’école, les ateliers artisanaux sont fermés, les migrants emmenés par la police, Riace se vide, le silence règne dans le village. A l’occasion d’une grande manifestation de soutien à Mimmo Lucano, les réalisatrices, Shu Aiello et Catherine Catella, retournent à Riace et décident de reprendre la caméra.
Après avoir raconté 20 ans d’harmonie, pour ce 2e volet, un «Paese in resistenza» qui sort maintenant en salles, elles ont documenté pendant 4 à 5 ans, revenant sur place dans tous les moments clé, la suite de cette aventure, l’évolution du village, l’atmosphère lourde qui y régnait, l’événement sans précédent dans l’histoire politico-judiciaire italienne qu’a été le procès de Mimmo Lucano en 2021 (le verdict a été comme une gifle: une condamnation hors-norme à 13 ans et 2 mois de réclusion et 1million d’euros d’amende en première instance!) jusqu’à son procès en appel de 2023 qui lui a rendu toute sa dignité.
Aujourd’hui il est libre (il a même été élu eurodéputé en 2024) et le village de Riace s’éveille tout doucement d’un long cauchemar. La mobilisation et la résistance ont porté et portent leurs fruits.
Nous vous recommandons vivement d’aller voir ce film. C’est un beau travail et une leçon d’humanité, de solidarité et de résistance bien sûr ! « On ne peut vivre sans rêve, sans idéal », avait déclaré Mimmo Lucano.
Evolena
N.B. Sortie nationale su Allociné: villes et séances
et aussi des séances-débats prévues la semaine prochaine à Paris et en banlieue:
– 3 décembre – 20h15 – Espace Saint-Michel, Paris 5ème – avant-première en présence des réalisatrices
– 4 décembre – 20h30 – Le Méliès, Montreuil en présence des réalisatrices
– À l’Espace Saint-Michel encore : les 6, 7 et 9 décembre à 20h15 – débat avec la participation d’associations partenaires
– D’autres dates à confirmer au Luminor