Ecrire une nouvelle, c’est le plaisir du coup de pinceau… par Marta Morazzoni.

[article bilingue] Roman ou nouvelle? Voici un texte inédit qu’a écrit pour Altritaliani l’écrivaine italienne Marta Morazzoni. Elle y explique pourquoi elle accorde tant d’importance à l’écriture de nouvelles, de quelle manière ses récits brefs naissent en elle et à partir de quelle nécessité, en parallèle bien sûr à l’écriture de ses romans dont quatre ont déjà été publiés chez Actes Sud. “Il dono di Arianna (voir à ce lien l’article de sa traductrice française Marguerite Pozzoli) a reçu le prix Chiara 2019, attribué au meilleur recueil de nouvelles de l’année. Il n’est pas encore publié en langue française.

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nouvelle ou roman
Marta Morazzoni

Roman ou nouvelle, narration brève ou narration longue : entre les deux je n’ai aucun doute, je suis à mon aise avec la nouvelle, elle a été ma première impulsion dès que j’ai commencé à écrire, de même que j’ai empoigné, de la main gauche, la raquette de tennis la première fois que j’ai foulé la terre ocre. Je ne sais s’il faut appeler “instinct” ce quid qui détermine l’incipit, le développe et le résout dans la brièveté, attirant l’attention du lecteur et, avant cela, celle de l’écrivain ! Comme un défi : atteindre la cible avec précision. S’il la rate, il n’a pas le temps de se rattraper.

Mais je crois ne jamais avoir vécu la dimension obsessionnelle de ce défi autant que le plaisir du coup de pinceau, parfois le coup d’œil qui illumine, un éclair qui allume un coin du monde d’une lumière très claire et limpide. C’est un écheveau à démêler, que j’appelle inspiration ; je sais que certains n’y croient plus ou n’y ont jamais cru, alors que, en ce qui me concerne, je continue d’accorder du crédit à cette suggestion à laquelle je serais incapable de donner un autre nom. J’ai retrouvé avec plaisir ce sujet étroitement associé à l’idée de travail, dans les pages, lues récemment et presque à l’encontre de mes habitudes, deE la longue et émouvante correspondance entre Hugo von Hofmannsthal et Richard Strauss, un écrivain et un musicien qui, pendant vingt-cinq ans environ, ont  collaboré pour composer les paroles et la musique de quelques-unes des plus belles œuvres du XXè siècle. Lorsque Strauss sollicite l’auteur autrichien pour qu’il lui donne un nouveau livret à mettre en musique, celui-ci lui répond : “Si je n’ai pas une idée, je ne commence rien. Et une idée est un cadeau de la grâce.” Cette manière d’envisager l’écriture semble peu technique et professionnelle, mais à mes yeux elle a un fondement solide, elle est le pilier de mon expérience et se trouve à l’origine de tous mes travaux. Pour moi, “une idée” signifie  d’abord un germe indéfini, parfois juste l’affection pour une atmosphère, pour un lieu où j’aimerais vivre. Et, soit dit en passant, c’est aussi la façon dont j’aborde, en tant que lectrice, les histoires racontées par d’autres, en entrant en relation avec des personnes, des milieux avec lesquels devenir intime au point de les habiter.
Certes, le roman accorde au lecteur, comme à l’écrivain, le temps d’apprivoiser des situations et des personnages, tandis que la nouvelle doit agir tout de suite, et en profondeur. Elle doit créer, en quelques lignes, une atmosphère, un caractère, nourrir un feu qui persistera dans l’esprit du lecteur même si la page est de courte durée. J’ai quelques fortes références dans mon penchant pour la nouvelle : avant tout, Anton Tchekhov, puis William Trevor, Dino Buzzati, les quarante-neuf nouvelles de Hemingway. Des auteurs qui ont déclaré ne pas avoir de message à transmettre au monde, rien que des histoires à raconter. Et puis, à la base de ma formation culturelle, il y a Giovanni Boccaccio : le Décaméron est une mosaïque qui dessine l’humanité avec la légèreté apparente des petites histoires, qui constituent notre vie.

(Traduit de l’italien par Marguerite Pozzoli)

VERSION ORIGINALE  EN ITALIEN DE MARTA MORAZZONI

Romanzo o racconto, narrare breve, narrare lungo: tra i due non ho dubbi, sono a mio agio con il racconto, è stato il primo impulso quando ho cominciato a scrivere, esattamente come prendere con la sinistra la racchetta da tennis la prima volta che ho messo piede sulla terra rossa. Non so se chiamare istinto quel quid che determina l’incipit, lo sviluppa e lo scioglie nella brevità, attirando l’attenzione del lettore, e prima ancora quella dello scrittore!, come una sfida a centrare il bersaglio con precisione. Se sbaglia, non ha tempo e modo per recuperare. Ma di questa sfida credo di non aver mai vissuto la dimensione ossessiva, quanto invece il piacere della pennellata, a volte il colpo d’occhio che fa chiarezza, un lampo che accende un angolo di mondo di una luce chiarissima e nitida. È un grumo da dipanare e io lo chiamo ispirazione: so che alcuni non credono più, o non hanno mai creduto nell’ispirazione, e invece per conto mio continuo a dare credito a questo suggerimento cui non saprei attribuire un nome diverso. Mi ha fatto piacere ritrovare lo stesso argomento strettamente associato all’idea del lavoro nelle pagine, lette di recente e quasi contro le mie abitudini, del lungo, emozionante carteggio tra Hugo von Hofmannsthal e Richard Strauss, uno scrittore e un musicista che hanno per circa venticinque anni collaborato a comporre parole e musica di alcune tra le più belle opere del ‘900. Quando Strauss sollecita lo scrittore austriaco a dargli un nuovo libretto da mettere in musica, questi gli risponde: “Senza un’idea non mando avanti nulla. E un’idea è un dono della grazia.” Sembra molto poco tecnico e professionale questo modo di pensare alla scrittura, ma per quanto mi riguarda ha un fondamento solido, è il pilastro della mia esperienza, e sta al principio di ogni lavoro. Un’idea per me significa dapprima un germe indefinito, a volte anche solo l’affezione a un’atmosfera, a un luogo che mi piacerebbe abitare. E, per inciso, questo è anche il modo con cui affronto da lettore le storie raccontate da altri, entrando in relazione con persone, con ambienti con cui prendere confidenza, fino a abitarli.

Certo, il romanzo concede al lettore, come allo scrittore, il tempo di addomesticarsi con situazioni e personaggi, il racconto deve invece agire subito, e in profondità, deve creare con poche battute un’atmosfera, un carattere, alimentare un fuoco che durerà nella mente del lettore per quanto poco sia durato sulla pagina. Ho qualche forte riferimento nella mia inclinazione al racconto, Anton Cechov per primo, poi William Trevor, Dino Buzzati, i quarantanove racconti di Hemingway, autori che hanno dichiarato di non aver messaggi da dare al mondo, ma solo storie da raccontare. E poi, alla base della mia formazione culturale c’è Giovanni Boccaccio: il Decameron è un mosaico che disegna l’umanità con l’apparente leggerezza di piccole storie, quelle di cui è fatta la nostra vita.

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Marta Morazzoni est née à Milan et vit à Gallarate. Elle est l’auteur de plusieurs recueils de nouvelles et de romans, entre autres La Jeune Fille au turban (P.O.L., 1988), Une Leçon de style (L’Herne, 2005), L’Affaire Alphonse Courrier (Actes Sud, 2008), L’Invention de la vérité (Actes Sud, 2009), La Note secrète (Actes Sud, 2012) et Le Feu de Jeanne (Actes Sud, 2015). Elle collabore régulièrement, en tant que critique littéraire, avec Il Sole 24 Ore. Son œuvre a été récompensée par de nombreux prix, dont le dernier est le prix Campiello 2019 pour l’ensemble de sa carrière. Il dono di Arianna  a reçu le prix Chiara 2019, attribué au meilleur recueil de nouvelles de l’année. Elle a également reçu, en 2020, le Premio Internazionale Ceppo, qui consacre un auteur de nouvelles.

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Marguerite Pozzoli
Marguerite Pozzoli est née en Italie. Agrégée de Lettres modernes, elle a traduit une centaine de titres. Elle a dirigé pendant quelques années la collection “Lettres italiennes” pour les éditions Actes Sud. Parmi les auteurs traduits : P. P. Pasolini, A. M. Ortese, Roberto Saviano, Maurizio Maggiani, Giorgio Pressburger, Stefano Benni, Luigi Guarnieri, Valerio Magrelli, Marta Morazzoni... Membre d’ATLF, elle a siégé à la commission Littératures étrangères du CNL. Elle anime régulièrement des ateliers de traduction, occasions rêvées de faire toucher du doigt les dilemmes du traducteur, et découvrir, in fine, que le texte met à mal toutes les théories préétablies.

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