A redécouvrir au cinéma dès le 5 juin deux comédies douces-amères de Nanni Moretti, fer de lance du cinéma italien contemporain – en versions restaurées inédites : BIANCA (1984)/ LA MESSE EST FINIE (1985).
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«Dans les films que je fais – appelons-les personnels, autobiographiques –, j’essaie d’exorciser mes peurs, mes névroses, mes obsessions, de les éloigner avec l’arme, inévitable quand on se livre à l’autobiographie, de l’ironie.» (Nanni Moretti)
C’est en 1976 que l’acteur-réalisateur italien Nanni Moretti tourne son premier long-métrage, Je suis un autarcique, à seulement vingt-trois ans. Bientôt suivis d’Ecce Bombo (1978) et Sogni d’oro (1981), ces trois films constituent la première période du cinéaste, celle de ses débuts. Ces trois comédies à l’humour caustique mêlent à la fois éléments autobiographiques, questionnements intimes et préoccupations politiques. Moretti se crée un alter ego du nom de Michele Apicella qu’il interprète lui-même, à la manière d’un Woody Allen auquel la critique l’a souvent comparé.
Bianca et La Messe est finie forment les deux volets d’une œuvre exprimant une même angoisse existentielle face à la fin des idéaux de jeunesse. Nanni Moretti utilise le prisme de la comédie pour traiter de sujets sérieux, recourant à un sens de l’humour unique, à la fois absurde, mordant et touchant. Même si les héros qu’il incarne dans ces deux films partagent avec lui de nombreuses préoccupations communes, ces derniers commencent à prendre davantage d’autonomie par rapport à lui, à s’ouvrir aux autres. À travers eux, Nanni Moretti s’impose désormais comme le chef de file d’une nouvelle génération de cinéastes, prenant le pouls d’une société italienne en perpétuelle mutation.
BIANCA – 1984
Michele Apicella, professeur de mathématiques, vient d’être muté au lycée Marilyn Monroe, établissement aux méthodes d’enseignement alternatives. Son passe-temps favori est d’observer la vie des gens, couples d’amis ou simples voisins, et de retranscrire leurs faits et gestes dans ses carnets. Doté d’une éthique ultra-exigeante, croyant à la fidélité absolue, Michele cherche la femme idéale. Mais lorsqu’il croit l’avoir trouvée en la personne de Bianca, professeur de français dans son établissement, il se met à paniquer. Pendant ce temps, certaines personnes de son entourage meurent dans des conditions mystérieuses…
LA MESSE EST FINIE (LA MESSA È FINITÀ) – 1985
Don Giulio quitte la petite île de Ponza où il officiait comme prêtre depuis dix ans. Le voilà nommé dans une paroisse de la banlieue de Rome, près de l’endroit où il a grandi. En arrivant, il découvre avec stupeur une église vidée de ses fidèles. C’est que le dernier prêtre en activité a fait scandale en quittant les ordres pour fonder sa propre famille. Pensant trouver du réconfort auprès de ses parents, de sa soeur et de ses amis de jeunesse, Don Giulio déchante rapidement. Infidélité amoureuse, crise de mysticisme aiguë, tentation du terrorisme politique, il ne comprend plus les gens qui l’entourent…
Un an après Bianca, Nanni Moretti poursuit avec La Messe est finie sa réflexion sur la quête du bonheur et la difficile confrontation entre les principes et la réalité. Avec l’ironie et le ton doux-amer qui caractérisent son oeuvre, le cinéaste campe un jeune prêtre faisant face à une profonde crise existentielle. Lui qui a choisi de consacrer sa vie à ses prochains finit par ne plus pouvoir les supporter, allant parfois jusqu’à faire usage de la violence. À l’instar du personnage de Michele dans Bianca, celui de La Messe est finie est tout autant pétri de morale mais, à la différence du premier, comprend que l’on ne peut forcer les gens au bonheur.