Les éditions Actes Sud ont récemment publié deux œuvres en prose de l’écrivain et poète Valerio Magrelli, traduites de l’italien par Marguerite Pozzoli avec la collaboration de René Corona: Nel condominio di carne (Co(rps)-propriété) et Addio al calcio (Adieu au foot).
Valerio Magrelli
Adieu au foot
Editions Actes Sud, « Un endroit où aller »
Traduit de l’italien par Marguerite Pozzoli
avec la collaboration de René Corona
Quatre-vingt dix récits de une minute, divisés en deux mi-temps, comme un vrai match : l’évocation à la fois autobiographique et collective, tour à tour nostalgique, absurde ou héroï-comique, du foot que Magrelli a tant aimé, et auquel il ne se résigne pas à dire adieu.
Adieu au foot est un texte hybride, entre rêveries, souvenirs, essai philosophique, poème, prose journalistique… Structuré en quatre-vingt dix récits divisés en deux mi-temps de quarante-cinq minutes chacune, il nous invite à une immersion totale dans l’univers du foot.
Passionné, comme son père, par ce sport, Valerio Magrelli a transmis sa passion à son fils, même si, comme tous ceux de sa génération, celui-ci la vit de façon de plus en plus virtuelle. Dans un mélange de légèreté et d’érudition, l’auteur tisse une broderie sur une multitude de thèmes, reliés par le fil rouge du temps qui passe: objets-cultes liés au foot (maillots, ballon, sac de sport); joueurs (amateurs, stars du foot italien ou héros inconnus qui ne marqueront jamais un but), caprices du destin, entraînements solitaires qui, dit-il, ont favorisé sa vocation de poète. Et si chacun de ces micro-récits forme un tout, comme les poèmes en prose de Francis Ponge, l’ensemble se donne à lire comme un collage subtil, un voyage dans la mémoire qui procède par associations d’idées, par oppositions, par contrepoints, laissant assez de «jeu» au lecteur pour qu’il puisse être de la partie…
Marguerite Pozzoli
Extraits du dossier de presse
«L’un des plus grands poètes italiens vivants, auteur de plusieurs autres œuvres en prose, nous démontre que le foot peut être matière à grande littérature. Il le fait avec un livre qui est une somme de récits et d’émotions, tantôt biographique, tantôt encyclopédique. (…) Elles sont remarquables, les 90 digressions de Magrelli autour du foot, qui tissent, avec une voix magnétique et d’une qualité extraordinaire, un croisement savant entre poésie et récit oral, une trame d’histoires (…) et racontent le lien, mystérieux et magique, entre les Italiens et le foot.»
Carlo Martinelli (Alto Adige, 20.09.2010)
«Nous ne voulons même pas savoir combien de pages comporte le livre, car elles ne sont pas numérotées, mais scandées en 90 minutes divisées, comme un match, en deux mi-temps. Et comme dans tous les matches, il y a des minutes qui durent un instant et d’autres qui renferment des années. Quant au lecteur, c’est lui qui jouera les prolongations et les tirs au but…»
Daniele Abbiati (Il Giornale, 25.09.2010)
«Ah, quelle vérité douloureuse il contient, ce livre de Magrelli ! Poignante, mélancolique, portrait d’une époque. Et, comme seul un poète peut arriver à le faire, définitive, en quelque sorte. Le tout scandé en 90 minutes, 90 morceaux d’ “amarcord” et de réflexions.»
Il Sole 24 Ore (26.09.2010)
Valerio Magrelli
Co[rps]-propriété
Editions Actes Sud, « Un endroit où aller »
Traduit de l’italien par René Corona
avec la collaboration de Marguerite Pozzoli.
Le roman du corps comme champ de bataille, Fort Apache. Une danse macabre, en quelque sorte, mais tempérée par l’ironie, voire par un humour à la Buster Keaton…
Un grand médecin français a écrit que «la santé est le silence des organes». Ici, il est question d’un grand bruit, d’une cohabitation parfois conflictuelle, de copropriétaires – les éléments de notre corps – qui ne s’entendent pas toujours entre eux. Il n’est pas indifférent de savoir qu’un roman de J. G. Ballard, IGH (Immeuble de Grande Hauteur) a partiellement inspiré ce texte.
Par ailleurs, nous avons aussi affaire à un memento mori, car qu’est-ce que la vie, sinon une mort lente à partir du jour de notre naissance ? C’est ainsi que Magrelli nous raconte sa première visite chez l’oculiste, un premier coup de soleil mémorable, sa première fracture…
De ce sujet qui aurait pu être sombre et macabre, Magrelli a tiré un livre qui évite aussi bien ce qu’il appelle le Scylla de la rhétorique du deuil que le Charybde de la légèreté factice. Un corpus parcouru de références littéraires et artistiques – Montaigne, Paul Valéry, Giacometti, James Ensor -, de citations et d’autocitations, où le Narrateur cède la parole au Corps, à l’organisme conçu comme une ruche, une fourmilière, nid de parasites, réseau frappé de pannes et de dysfonctionnements, d’aventures et de mésaventures. Dans ce parcours intime, subjectif et viscéral, l’auteur fait mine de s’égarer, mais suit un fil à la fois mémoriel et sensoriel, intime et collectif. Quant à l’écriture, précise, millimétrée, rythmée comme de la poésie en prose, elle fait appel à tous le sens – avec une prédilection pour le toucher, l’ouïe, et l’odorat : nous sommes ainsi face à une poésie aussi cérébrale que sensorielle. Je citerai simplement, à titre d’exemple, ce début, que je dispose volontairement en vers libres:
« … Je chevauche une vague qui se défait sous moi
et qui en se défaisant me pousse.
Je chevauche l’avancée d’une crête
qui se déroule toujours un peu plus loin.
Je chevauche la poussée qui parcourt la chair
pour se livrer au-delà.
Je chevauche une poussée qui est chair.
Je fais du surf cellulaire. »
«Je vois la maladie comme une véritable composition musicale», écrit l’auteur, «exécutée par des interprètes à chaque fois différents, ce qui fait qu’ils changent toujours, tout en gardant une constante qui leur est propre.» Et ce parcours se ramifie dans d’autres voyages ; pour Franco Nasi, «l’œil qui se regarde et s’ausculte est continuellement distrait par les souvenirs du passé et des lieux. Car le livre n’a pas pour seul sujet le corps et ses maladies. Il y a un corps présent, il y en a un autre qui se déplace dans le temps, et enfin, il y en a un autre dans l’espace, toujours en voyage entre Canada, Espagne, France… et tous les trois frappent continuellement à l’étage du dessous…»
Marguerite Pozzoli
Extraits du dossier de presse
«Le sujet de ce livre n’est pas la maladie, mais l’“assaut potentiel” (quelqu’un a parlé de Fort Apache) du corps par la maladie. Il y a une légèreté, mais elle n’est ni programmée ni plastifiée. (…) Tout le monde peut se retrouver dans mon histoire biografico-pathologique. C’est une histoire “moyenne”, une “comédie” commune à beaucoup de gens.»
Valerio Magrelli, interviewé par Andrea Monda
«Un livre inhabituel, et sans précédent dans la littérature italienne. (…) Petit poème en prose, roman en fragments, essai sur la vie et sur la mort, Co[rps]-propriété est une tentative pour retrouver, à travers des détails, sa propre personnalité. (…) Le vrai miracle de ce livre est le langage : précis et allusif, visionnaire et objectif, élégant et paradoxal.»
Marco Belpoliti (L’Espresso, 11.09.2003)
«Ce qui pourrait être un répertoire médical ennuyeux ou, pire encore, pathétique, s’avère, au contraire, une explosion de trouvailles linguistiques, parfois de véritables métaphores filées.»
Giuliano Gramigna (Corriere della Sera, 30.11.2003)
L’auteur
Valerio Magrelli est né à Rome en 1957. Poète, il a publié de nombreux recueils, dont deux ont été traduits en français: Ora serrata retinae (1980, Cheyne, 2010, trad. Jean-Yves Masson) et Natures et Signatures (Nature e venature, 1996, éditions Le Temps qu’il fait, 1998, trad. Bernard Simeone). Son dernier recueil, Disturbi del sistema binario a été publié en 2006 (Einaudi).
Il est également l’auteur d’essais critiques, en particulier sur Baudelaire et Paul Valéry, et d’une anthologie de poètes français du XXè siècle. Son activité de traducteur est intense et variée (Verlaine, Mallarmé, Valéry, Ponge, Roland Barthes…).
Récemment, il a publié un dialogue «philosophique» intitulé Il Sessantotto realizzato da Mediaset (Einaudi, 2011).
Il enseigne la littérature française à l’Université de Cassino.