Une référence pour les gourmets et gourmands: Le guide italien “Gambero Rosso: Pasticceri e Pasticcerie” – Edition 2013. Voici enfin, venu tout droit de l’Italie, un instrument irremplaçable à lire et à consulter, pour découvrir qu’au Belpaese, il y a des pâtissiers de premier ordre et des desserts autrement plus variés et raffinés que le tiramisù ou la panna cotta!
Vous vous êtes probablement déjà demandé pourquoi dans les restaurants italiens, et particulièrement à l’étranger, le choix des desserts se réduit si souvent au binôme un peu pauvre, bien que parfois exquis, du Tiramisù et de la Panna Cotta. Difficile d’aborder la question, et qui plus est d’y apporter une réponse, sans déclencher une polémique. Mon but n’est certainement pas de dénigrer l’excellent travail de ceux qui manipulent la mascarpone, les savoyards, le café ou la crème, la gélatine de poisson et les sauces sucrées qui donnent naissance – j’insiste – à de délicieux chefs-d’œuvre.
Les plus malins souligneront toutefois qu’il s’agit dans les deux cas de desserts servis à la cuillère, et donc caractérisés par une évidente simplicité de préparation : rien de plus imprécis ! Mais après bien des expériences, on réalise que les réussites se comptent sur les doigts d’une main… ou des deux, si je suis généreux ! Car cette prétendue facilité est évidemment le pire des pièges : celui qui laisse sur une note amère et inattendue le client gourmand qui voulait terminer dignement son repas.
Mon vrai problème est d’essayer de comprendre comment un pays caractérisé par son impressionnante diversité gastronomique, y compris du côté des desserts, n’est pas capable de renvoyer au-delà de ses frontières une image fidèle de cette générosité débordante, alors qu’il sait si bien surprendre les habitués et les touristes qui le visitent par millions chaque année.
Solution de facilité, paresse, condescendance excessive face aux goûts et aux demandes des clients parfois réticents à la découverte et à la nouveauté ? Défaut de connaissance des traditions pâtissières ou de préparation technique nécessaire à une offre de qualité ? Voilà certaines des raisons possibles du manque d’appeal des desserts italiens. Il est manifestement trop fatigant d’abandonner les sentiers battus, ou tout simplement de fouiller dans la mémoire familiale pour y rechercher les recettes dominicales, sans se sentir obligé de révolutionner la créativité de la « nouvelle pâtisserie » internationale.
Et pourtant, le rapport que l’Italien a tissé au fil du temps avec les douceurs de toutes sortes est aussi vieux que varié : de quoi anoblir le métier de pâtissier qui, jusqu’à très récemment, souffrait d’un manque de reconnaissance. En Italie comme en France, le cuisinier – prince du plat salé – a conquis au cours des dernières décennies un statut prestigieux. Aujourd’hui, son collègue pâtissier, longtemps confiné aux coulisses de l’orchestration gastronomique, tend à s’en rapprocher. Preuve s’il en est, les noms qui envahissent de plus en plus les émissions télévisées, les articles, les blogs et les livres dédiés au « sucré » italien. C’est encore peu, direz-vous, comparé à la célébrité spectaculaire de leurs homologues français, mais c’est déjà le signe d’un changement qui s’opère et qui mérite d’être souligné et suivi.
Le “Gambero Rosso”, célèbre guide italien et référence pour les gourmets, a été le tout premier à remarquer ce progrès et à en rendre compte dans un excellent guide qui a vu naître, fin 2012, sa seconde édition. Laura Mantovano, vice-directrice du Gambero Rosso et directrice éditoriale du guide Pasticceri e Pasticcerie 2013, est précisément à l’origine de ce vade-mecum précieux et détaillé aux talents pâtissiers du pays.
L’idée du guide, nous raconte Laura lors d’un frais après-midi romain, naît d’une longue observation qui nous a fait mesurer la difficulté du métier de pâtissier et le peu d’importance qui lui est attribuée si on le compare à ses collègues chefs. Et pourtant, il s’agit d’un art qui demande une extrême précision, interdisant ou limitant fortement l’improvisation. Notre but est non seulement de faire connaître aux lecteurs les maîtres artisans et leurs créations, mais aussi de proposer un instrument décisif pour encourager l’ensemble de la catégorie de ces professionnels à se surpasser et à rechercher toujours l’excellence.
Mais l’inspiration – confesse l’auteure – vient aussi du vif intérêt que les Italiens portent à l’univers pâtissier. Un intérêt caractérisé en grande partie par une approche traditionnelle, liée à une image d’antan (mais encore d’actualité) : celle du plateau de petits-fours sur la table solennelle du déjeuner du dimanche. Le souvenir du beignet débordant de généreuse crème pâtissière est cher à beaucoup… Mais il peut aussi réserver de mauvaises surprises, en particulier quand on n’est pas en mesure de distinguer la bonne crème faite avec des ingrédients de choix et de vrais bâtons de vanille, de celle qui contient plus grossièrement une dose de vanilline. Même le plus expert des gourmands pourrait tomber dans l’un des nombreux pièges tendus par le recours très courant à des produits de qualité douteuse. D’où l’utilité de ce guide pour ceux qui voudraient connaître non seulement les noms, les spécialités et les adresses, mais aussi les critères de choix opportuns (sélectionnés par l’équipe d’experts envoyés dans tout le pays) et le vocabulaire indispensable pour s’y retrouver dans cette jungle de composants, d’ingrédients et de dénominations (en appendice, on trouve un index spécifique très utile).
Comme en témoigne la grande diversité que nous avons évoquée, la pâtisserie « Traditionnelle » et celle dite « Haut de gamme » cohabitent dans ce volume de 400 pages – qui reste néanmoins facile à consulter et pratique à emporter avec soi durant les parcours de découverte. L’univers pâtissier de la Péninsule en ressort ainsi extrêmement riche, avec des mondes très divers, de la Cassata sicilienne au Strudel du Trentino-Alto, de la Pastiera napolitaine à la Sbrisolona de Mantoue.
_En fait, le talent des meilleurs pâtissiers tient principalement à leur capacité à se poser en héritiers fidèles d’un patrimoine du passé (italien et international) tout en le proposant sous une forme nouvelle, plus adaptée aux exigences des temps qui changent. Mais il tient aussi à leur aptitude à inventer les délices du futur : il ne fait aucun doute que la Torta Mimosa et les Crostate auront bientôt leur place dans les vitrines des Maîtres Pâtissiers, aux côtés du Saint Honoré et du Millefeuille.
Toutefois, rappelle Laura, l’ouverture à l’influence étrangère doit toujours être contrôlée. Les dangers existent et les tendances de la mondialisation savent égarer le travail de bien des professionnels, y compris parmi les plus talentueux. Avec la récente mode anglo-saxonne du cake design, par exemple, on a vu des noms importants de la pâtisserie italienne classique se lancer dans la pasta da zucchero avec des résultats plus fantaisistes que digestes. À l’opposé de ces quelques cas heureusement marginaux, le pâtissier joue sur un lien fort avec son territoire… en apportant, toutefois, une importante simplification à la tradition. Le mot d’ordre est : moins de sucre ! Mais en ne sacrifiant ni le goût, qui est entièrement préservé, ni la taille de la pièce, qui n’est réduite qu’en termes de poids.
En outre, le vent de changement qui souffle sur l’art de la pâtisserie italienne montre une nette tendance à la professionnalisation, comme l’avait déjà enregistré la première édition du guide en 2012. Même les familles qui, traditionnellement, se transmettaient leurs secrets de génération en génération, rêvent désormais de stages prestigieux dans les laboratoires des grands pâtissiers italiens et étrangers. Ce phénomène est sans aucun doute la conséquence une prise de conscience de la part de la profession, elle-même encouragée par une triple pression venue de l’intérieur : de la part des grands maîtres comme Iginio Massari de Brescia, de la part du public toujours plus exigent mais aussi de la part de ceux qui, comme le guide Gambero Rosso, ont montré le chemin à suivre.
On a ainsi vu émerger des profils extrêmement intéressants, comme celui de Francesca Castignani. Après un passage chez le pluri-étoilé Heinz Beck du restaurant La Pergola, dans l’hôtel Cavalieri Hilton de Rome, cette femme formidable s’est formée pendant trois ans chez Pierre Hermé à Paris pour faire ensuite ses armes à Prato chez Luca Mannori. Aujourd’hui, elle tient sa propre pâtisserie à Tarquinia, où elle propose le fruit de ce brillant parcours en le réadaptant aux caractéristiques du territoire. Et elle est ainsi devenue la première femme à être primée dans les sélections du Gambero Rosso, au sein d’une profession qui reste encore majoritairement masculine.
Comparée à la première édition, dont le succès avait été fulgurant, l’architecture du guide reste substantiellement la même. À la liste des meilleurs pâtissiers, gratifiés de trois « torte » – équivalents de nos étoiles – (notamment Iginio Massari à Brescia, fondateur de l’Académie des Maîtres Pâtissiers Italiens, Luigi Biasetto à Padoue, vainqueur de la Coupe du Monde de Pâtisserie à Lyon en 1997 avec sa fameuse Torta 7 veli, et Marco Rinella à Rome), succède celle des prix spéciaux, comme celui du meilleur pâtissier émergent (Francesca Castignani à Tarquinia), celui du meilleur packaging (Luca Mannori à Prato) ou celui du meilleur site (Pâtisserie Marra à Cantù).
À tous ces noms, vient s’ajouter cette année un prix intitulé Les classiques de demain : il couronne le talent de ceux qui réinterprètent intelligemment la tradition, en la respectant et en innovant (sur le podium, apparaît Maurizio Colenghi de Montichiari, avec la Torta Mikibi, un tiramisù fidèle à ses origines dans le goût et la consistance, mais renouvelé par un glaçage au chocolat blanc).
Le guide Pasticceri e Pasticcerie 2013 de Gambero Rosso s’avère être un outil fondamental pour connaître les desserts italiens et leurs auteurs, et (re)découvrir ainsi une facette trop souvent négligée du Belpaese. Cet itinéraire rigoureux, mais accessible aux passionnés comme aux néophytes, saura accompagner avec douceur tous vos voyages.
Domenico Biscardi
P.S. La Rédaction d’Altritaliani remercie vivement Charlotte Leclerc pour sa traduction.
ARTICLE ORIGINAL DE DOMENICO BISCARDI EN ITALIEN
Pasticceri e Pasticcerie 2013
Gambero Rosso Editore
www.gamberorosso.it
La guide n’est disponible qu’en italien
Disponible sur internet (environ 13€)
Sur commande, dans les librairies italiennes de Paris