Fruit de trois années de tournage en Calabre, le docu-film «Un paese di Calabria» de Shu Aiello et Catherine Catella sort dans les salles françaises mercredi 8 février. Confronté depuis des décennies à l’exode rural, le village de Riace a choisi depuis 1998 d’accueillir des migrants. Le village a repris vie, a refleuri. Le futur de Riace se réinvente sous nos yeux. L’autre, l’étranger comme une richesse…Les migrants qui arrivent de la Méditerranée comme un cadeau du ciel, et non une menace.
***
Superposant aux images d’aujourd’hui le récit en voix off de la grand-mère de l’une d’elles, partie de Calabre dans les années 1930 pour rejoindre le Sud de la France, les réalisatrices d’origine calabraise rappellent intelligemment qu’autrefois les immigrés c’étaient eux, ces Italiens qui sont aujourd’hui confrontés à l’arrivée massive des migrants…
Depuis les années trente Rosa-Maria est partie à Nice rejoindre Antonio son mari. Il avait quitté le village après que sa mère eût dû vendre leurs terres à un riche propriétaire. Pas de travail, la faim. A Riace, comme dans bien des villages de Calabre, les maisons fermaient les unes après les autres, les jeunes s’en allaient, il ne restait que des vieux, jusqu’à ce jour de 1998 où un bateau transportant 300 kurdes s’est échoué sur les plages de la Marina de Riace, là-bas au pied de la colline.
Spontanément les habitants soutenus par le maire ont décidé d’accueillir les migrants, de céder des logements vides à ceux qui avaient besoin d’un toit. C’est ainsi que 55 Kurdes parmi les 300 arrivés en 1998 se sont installés définitivement à Riace. Parmi eux Baïram, charpentier, a pris part à la restauration des maisons abandonnées. La communauté de Riace est ainsi devenue la première à accueillir des migrants en attente de leurs papiers, à les héberger dans des conditions décentes.
Des boutiques d’artisanat, des commerces ont ré-ouvert. L’école aussi; l’institutrice fait la classe aux enfants du pays, donne des cours d’Italien aux réfugiés ou demandeurs d’asile dont l’insertion ne semble pas poser de gros problèmes. L’église, pleine à craquer dans cette région où la ferveur religieuse et populaire est encore forte, baptise des petits immigrés, donne la parole aux musulmans et la célébration des deux saints pèlerins Cosma et Damiano (médecins d’origine arabe, Syriens et martyrs) en septembre est l’occasion de réunir toute la communauté villageoise pour une fête où vieux Calabrais et immigrés chantent et dansent ensemble.
Les derniers migrants arrivés racontent en peu de mots des souvenirs qu’ils voudraient certainement oublier : les camps en Lybie, les viols, les traversées dans des bateaux «pourris», les jours sans boire ni manger, les morts qu’on jette à la mer…
Sans angélisme (le film ne fait l’impasse ni sur la menace de la N’drangheta, l’implacable mafia calabraise qui ne manque pas de vouloir intimider habitants et autorités communales, ni sur l’aspiration d’une partie des migrants à quitter Riace pour les grandes villes d’Italie comme Rome ou Milan), Un Paese di Calabria est une formidable leçon d’optimisme pragmatique et humaniste à l’encontre de tant de politiques d’exclusion.
L’exemple de Riace, s’étend aux villages alentour. Le Maire, Domenico Lucano, est réélu pour un nouveau mandat qui n’était pas gagné d’avance et veut continuer à espérer pour l’avenir une “révolution mondiale qui considère l’étranger comme une véritable richesse” et non une menace.
Soutenue par l’Etat et la Communauté Européenne, l’association Città Futura de Riace gère aujourd’hui l’accueil de 400 migrants, de 22 nationalités différentes. En 25 ans, la population du village est passée de 900 à 2 100 habitants. La vitalité économique créée par le programme d’intégration a amélioré les conditions de vie de tous.
Une histoire exemplaire. Un film d’une grande sensibilité. De très belles images de cette partie de la Calabre que nous, Français, connaissons trop peu.
Un vrai bonheur.
Evolena
BANDE ANNONCE – UN PAESE DI CALABRIA – FR from Tita Productions on Vimeo