‘Protection rapprochée‘, aux Editions Cactus inébranlable, est le troisième recueil de nouvelles de Lorenzo Cecchi, et comme les précédents, porte bien sa marque : humour caustique, noir même, mais empli de tendresse pour les bousillés de la vie qui constituent sa galerie de personnages.
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Lorenzo Cecchi, Protection rapprochée, nouvelles, Cactus inébranlable éditions, 2020, illustrations de Michel Jamsin
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Invitant, tentant ce recueil de nouvelles, ne serait-ce que par son titre: ‘Protection rapprochée’. Au moment où tous n’évoquent que la distanciation sociale, voilà que Lorenzo Cecchi nous parle de rapprochement.
Rien de plus trompeur toutefois, car les personnages de la galerie que nous propose l’auteur nous parlent en effet tous d’une sorte d’incapacité à communiquer, à entrer en relation avec autrui. Des refusés par les autres et par eux-mêmes, divisés entre «l’être gêné» et «l’être gênant».
Gênés par un monde dans lequel ils n’arrivent pas à trouver leur place. Gênants pour ceux qui par contre ont l’air de s’y sentir très bien dans cet univers, pourtant cruel et souvent sans pitié. Conscients de leurs incapacités, mais incapables de les surmonter.
A ce stade, vous penserez que ce bouquin n’a pas l’air chouette. Est-ce que je me trompe ? En effet tout ça ne semble pas drôle du tout, sauf que toute l’habilité de Lorenzo Cecchi est justement là: son livre est follement amusant à lire. Quatorze courtes (même très courtes) nouvelles pleines d’humour, caustiques, noires, mais hilarantes.
Quatorze personnages incapables de se rapprocher d’une vie normale, gardant bien la distance, une bonne distance de protection, entre eux-mêmes et la vie réelle. Et c’est justement dans cet espace entre le «je voudrais» et le «quand même, cela me gêne», à la Woody Allen, qu’entrent en scène ces déglingués de la vie et les cauchemars issus de l’imagination bouillonnante de Lorenzo Cecchi :
Un patelin sinistré et glauque, un demeuré rêve d’une fille frivole. L’affaire finira mal.
Suite à un harcèlement, une enseignante se met à souffrir d’un curieux mal qui l’isole des siens et des autres.
Un manager est licencié par… son employé.
Un avocat accepte un marchandage qui le rendra boiteux à jamais…
Un type va au charbon, littéralement ; avec entrain Carlo creuse son jardin à la recherche d’un filon.
Et d’autres encore…
Lorenzo Cecchi, belge d’origine italienne, a bien hérité de ses aïeux émigrés des Marches une certaine forme de tendresse, une plume légère et souriante, une capacité à observer avec bienveillance et espièglerie, tout en sirotant un bon café. Et surtout, surtout la capacité à rire de soi-même, sans se laisser prendre par les convulsions de ce drôle de monde qui l’entoure. La regarder de près, oui, notre humanité névrotique, essayer de la comprendre, bien sûr, et de l’aimer, mais sans la prendre ou se prendre jamais trop au sérieux.
Encore une fois, Lorenzo Cecchi a assemblé un joli bouquet d’histoires, une “piste de réflexion”, et réussi à synthétiser l’état actuel de notre monde, si difficile à cerner, mais qui mérite, encore et en dépit de tout, que nous continuions à lui sourire.
Carla Cristofoli
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LIEN INTERNE : « Faux témoignages » de Lorenzo Cecchi, une fiction qui n’en est pas une.
BIOGRAPHIE : Lorenzo Cecchi est né à Charleroi en 1952. Agrégé en sociologie il a été animateur de maison de jeunes, promoteur des spectacles au National, administrateur de sociétés, ou encore commissaire d’exposition avant de terminer sa carrière en tant que commercial dans une société de protection incendie. Pendant dix ans, il a également enseigné la philosophie de l’art à l’académie des Beaux-arts de Mons.
Son premier roman, «Nature morte aux papillons» au Castor Astral (2012) a été sélectionné pour le Prix Première de la RTBF, le prix Alain-Fournier, ainsi que les prix Saga Café et des lecteurs du magazine «Notre Temps». Il a publié chez ONLIT éditions «Faux Témoignages» et «Petite fleur de Java», respectivement en 2014 et 2015. En 2016 sont parus «Un verger sous les étoiles» aux éditions du CEP et «Contes espagnols», un recueil de nouvelles illustrées par le peintre Jean-Marie Molle, au Cactus Inébranlable Editions. Sans oublier le recueil de nouvelles «Le Blues social Club», également au Cactus Inébranlable Editions.
Et le tout dernier recueil de nouvelles «Protection rapprochée» illustrées par Michel Jamsin (Cactus inébranlable éditions, 2020) dont il est question dans cet article.