Parmi les livres autour de l’Italie que j’ai eu en main depuis la rentrée, voici quelques titres que j’ai eu envie de partager avec vous, une sélection – tout ce qu’il y a de plus subjective – d’ouvrages qui pourraient occuper une petite place sous l’arbre de Noël ou vous tenir compagnie par ces froides et grises journées d’hiver. Deux d’entre eux sont traduits de l’italien, les autres d’auteurs français.
Si peu (Tanto poco, Einaudi 2024)
de Marco Lodoli
Traduit de l’italien par Louise Boudonnat
Editions POL, 2024, 144 pages, 18€
Prix du roman FNAC 2024
Ce livre qui se déroule dans la banlieue de Rome raconte, un amour obstiné, la passion silencieuse et implacable d’une femme, concierge dans une école, pour Matteo, professeur et écrivain, qui ne remarque rien, trop pris dans son art, ses ambitions, dans l’illusion d’être différent des autres. Pendant quarante ans, elle n’a pourtant jamais cessé de l’aimer. Mais à quel prix? Ces deux existences parallèles finiront peut-être par se rencontrer. Le temps d’une nuit, dans une étreinte entre illusion et oubli.
D’une beauté sombre mais magique, ce roman fait le récit d’un amour fou, une grâce noire que l’on n’obtient que par renoncement. Parabole radicale sur l’espérance, comme une obsession absurde et magnifique, qui ne tient qu’à presque rien, à «si peu» (Tanto poco). Avec ce sentiment bouleversant de poursuite d’un rêve que rien ni personne ne doit interrompre.
Ce bref roman est dans la veine du livre du même auteur « Les Promesses » (Sorella – Italia – Vapore) que j’avais beaucoup aimé. Livre après livre, Marco Lodoli interroge poétiquement le monde et les liens que nous tissons avec lui. Il nous fait partager son regard lucide de vigile attentif aux vies ordinaires.
Le sang des Miroirs
de Michel Fessler
Edition Télémaque
Prix Béatrice Camandona du Cercle Leonardo da Vinci 2024
240 pages, illustré de 16 pages de photos en couleurs, 22 €
Entre Versailles et Venise. Dans ce roman historique, Michel Fessler, scénariste de son état, nous raconte une affaire d’espionnage industriel passionnante, une intrigue policière palpitante
Versailles, été 1678, le Roi-Soleil inspecte le chantier pharaonique du château.
Louis XIV s’impatiente. L’état d’avancement de la galerie des Glaces l’agace tout particulièrement: pourquoi ces délais et ces sommes extravagantes à payer aux artisans vénitiens, seuls capables de fournir des miroirs cristallins qui orneront sa galerie?
Leur secret de fabrication doit être arraché à la République Sérénissime, mais cette dernière n’entend pas céder au Roi Soleil.
Un jeune disciple de Charles Le Brun, le peintre du roi, pour échapper aux galères à la suite d’un duel au cours duquel il a tué son adversaire, accepte cette mission mortelle, mortelle car les séides du Doge traquent sans pitié les espions et les traîtres qui tentent de dérober le secret des miroirs de Murano.
Des destins vont se heurter, se briser et les eaux de la lagune seront bientôt rouges du sang des miroirs.
L’ambition
d’Amélie de Bourbon Parme
Gallimard, 2023 (existe aussi dans la collection Folio)
Prix Machiavel du Cercle Leonardo da Vinci
Romancière passionnée d’histoire, Amélie de Bourbon Parme a entamé l’an dernier, avec L’ambition, une trilogie romanesque “Les trafiquants d’éternité” consacrée à son ancêtre Alessandro Farnèse. (Le second volet, paru récemment, s’intitule L’Ascension).
Ce premier tome retrace la jeunesse de celui qui deviendra Paul III en 1534. Avec son brillant talent de conteuse, l’autrice nous fait revivre cette époque comme si nous y étions. Un roman historique captivant du début à la fin. Intrigues, amour, trahisons et corruption ; tout y est !!
Rome. XVe siècle, au cœur de la Renaissance italienne. Alessandro Farnese, jeune aristocrate provincial promis à une carrière ecclésiastique, met son ambition au service d’une seule religion : sa famille.
Projeté dans les jeux de pouvoir entre Florence et Rome, soutenu par Laurent de Médicis, il compte sur l’influence de sa sœur, la sensuelle Giulia, maîtresse du pape Rodrigo Borgia, pour devenir cardinal. Usant de l’audace, de l’opportunisme et de l’élan amoureux, Alessandro s’impose au sein d’une papauté corrompue et licencieuse sans se compromettre.
Il profite de l’extraordinaire effervescence humaniste, artistique et politique qui règne dans la péninsule italienne pour poser les fondations d’une aventure humaine et familiale qui le conduira au sommet de l’Église et de l’Europe.
Dans ce premier volet des “Trafiquants d’éternité”, alors que la papauté monnaye ses grâces pour affermir sa puissance politique, Amélie de Bourbon Parme réussit le portrait romanesque et intime du seul homme d’Église fondateur d’une dynastie dont elle descend. Un destin éblouissant qui inspira à Stendhal La Chartreuse de Parme.
Veiller sur elle
De Jean-Baptiste Andrea
(L’Iconoclaste, 592 pages, 22,50 euros)
Prix FNAC, Grand Prix des lectrices de Elle et Prix Goncourt 2023
Août 1986. Dans un monastère italien où il vivait depuis quarante ans, veillant sur sa dernière oeuvre, une troublante statue, Mimo se meurt. Au cours de ses dernières heures, entre souvenirs et divagations, il plonge dans l’histoire de sa vie….
Au grand jeu du destin, Mimo a tiré les mauvaises cartes. Né pauvre, il est confié en apprentissage à un sculpteur de pierre sans envergure. Mais il a du génie entre les mains.
Toutes les fées ou presque se sont penchées en revanche sur Viola Orsini, jeune fille impétueuse, fantasque et intelligente, benjamine de la prestigieuse famille Orsini. Mais elle a trop d’ambition et de fantaisie pour se résigner à la place qu’on lui assigne.
Ces deux-là n’auraient jamais dû se rencontrer. Au premier regard, ils se reconnaissent et se jurent de ne jamais se quitter. Viola et Mimo ne peuvent ni vivre ensemble, ni rester longtemps loin de l’autre.
Liés par une attraction indéfectible, ils traversent des années de fureur quand l’Italie bascule dans le fascisme. Mimo prend sa revanche sur le sort, mais à quoi bon la gloire s’il doit perdre Viola ?
Une épopée incroyablement romanesque de près de 600 pages pleine de fougue et de coups d’éclats, habitée par la grâce et la beauté. Ce livre m’avait échappée l’an dernier à sa sortie…!
Ma mère est un fait divers (Mia madre, un caso di cronaca, Einaudi)
de Maria Grazie Calandrone
Traduit de l’italien par Nathalie Bauer
(Éditions Globe, 2024, 368 pages, 22€)
Le 24 juin 1965 à Rome, une enfant d’à peine un an est abandonnée sur la pelouse de la Villa Borghèse. Ses parents, ce sont Lucia et Giuseppe. Mariée de force, la jeune femme s’est enfuie, quittant un mari et une belle-famille violents, pour vivre son grand amour. À cette époque, en Italie, cela rend Lucia et son compagnon criminels, coupables d’adultère et d’abandon du domicile conjugal. Sans parler du statut d’enfant illégitime qui va planer toute sa vie au-dessus de leur fille. Acculé par l’impossibilité de faire famille, le couple se résout à abandonner leur enfant et à se suicider ensemble, dans les eaux du Tibre. Ils laissent derrière eux une lettre qui identifie la petite et nie qu’elle est le fruit d’un amour illégitime.
Cette enfant orpheline, c’est l’autrice, Maria Grazia Calandrone. Cinquante ans plus tard, elle mène l’enquête pour retracer l’histoire de ses parents biologiques et comprendre leur geste. En explorant leur passé, Maria Grazia Calandrone fait aussi revivre avec réalisme, dans une langue poétique et singulière, entre prose et vers, l’Italie de l’après-guerre en pleine industrialisation et la pression sociale destructrice pesant sur les femmes
Et après ces auteurs au talent déjà confirmé, un premier recueil de nouvelles dont la démarche est intéressante et originale, une découverte reçue à notre rédaction. L’ouvrage est publié par un éditeur à connaître qui s’est spécialisé dans la diffusion de fictions courtes et c’est courageux.
Me souvenir de
de Myriam Linguanotto
Editions Rue Saint-Ambroise
150 pages, 14€ – parution septembre 2024
Ce livre au titre très péréquien de Myriam Linguanotto est une «suite», composée de huit nouvelles reliées entre elles par un récit-fil rouge autobiographique.
Très tôt la narratrice de « Se souvenir de », qui vit à Lyon, a eu conscience d’être reliée à un ailleurs qui la divisait. Née en France, ses quatre grands-parents avaient émigré de l’Italie.
Le récit raconte la réappropriation progressive par l’autrice de ses racines italiennes: son nom, la terre de sa famille et leur langue, racines occultées par leur volonté d’intégration en France.
A partir des traces de ses origines, de cette mémoire perdue, elle va parcourir avec curiosité toute l’Italie du nord au sud, un carnet de notes à la main. Des rencontres faites au cours de ses voyages, de ses annotations « pour ne pas oublier », vont naître des personnages et des intrigues.
Entre le récit-fil rouge et les nouvelles se créent des liens : plus l’autrice avance dans la recomposition de son histoire personnelle, plus elle accède à la fiction. La patrie imaginaire qu’elle s’inventait, enfant, devient celle de l’écriture et le lecteur comprend qu’assumant enfin pleinement son altérité, elle parvient à devenir elle-même. Dans les huit nouvelles de ce recueil où réalité et fiction, mémoire et imagination se rejoignent, l’autrice nous emmène à Venise, Turin, Rome, Milan, Todi, Trieste, Torre Sant’Andrea, Sorrente…
Pour conclure ce tour d’horizon de fin d’année, ne perdez pas de vue ces deux livres dont nous avons déjà parlé avec enthousiasme sur Altritaliani :
– Ilaria ou la conquête de la désobéissance, de Gabriella Zalapì, la cavale d’une petite fille enlevée par son père, de Genève à la Sicile et
– ‘Hotel Roma’, de Pierre Adrian ou le dernier été de Cesare Pavese, à Turin et dans le Piémont.
Bonnes fêtes à tous et bonnes lectures!
Evolena
(logo: Vue d’Agrigente, Sicile, de Nicolas de Staël)
Come sempre degli ottimi suggerimenti ….per leggere o per condividere, buone idee per gli ultimi regali di Natale.