Lea Melandri: la grève féministe du 8 mars est à tou.te.s – Interview de Lea Melandri

Journée de la femme.«La peur de la contagion n’effacera pas le 8 mars. Aucune émergence ne parviendra à éclipser une domination qui dure depuis des siècles et que l’on peut considérer comme étant à l’origine de toutes les formes d’injustices et exploitation que l’histoire a connues». Ainsi s’exprime aujourd’hui Lea Melandri sur sa page Facebook face à la décision de la Commission de Garantie italienne d’interdire, dans le cadre des restrictions sanitaires mises en place en raison du Covid-19, la grève féministe des 8 et 9 mars.

féminisme international

Les propos qui suivent ont été recueillis par Roberto Ciccarelli («Il Manifesto») et traduits de l’italien par Francesca Irene Sensini, Maîtresse de conférences en Etudes italiennes (Université Côte d’Azur), membre de l’équipe ExFem.

La version originale en italien est disponible online ICI 

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interview grève 8 marsFéministe, philosophe, écrivaine et activiste, Lea Melandri est l’une des figures de proue de Non una di meno, réappropriation italienne du collectif féministe Ni una menos, né en 2015 en Argentine face à la poussée de féminicides, pour s’étendre dans d’autres pays de l’Amérique latine et en Europe, notamment en Espagne et en Italie. Ses ouvrages, de L’infamia originaria (Manifestolibri) à Alfabeto d’origine (Neri Pozza) représentent aujourd’hui l’un des chantiers d’un nouveau paradigme politique: la politique des corrélations. Dans cette interview, nous comparons ce paradigme avec l’une des notions primordiales qui ont été élaborées par les féminismes contemporains, l’intersectionnalité, dans le but de préparer un nouveau terrain de rencontre et d’expérimentation pour tous les mouvements de libération, à partir de l’apparition de nouvelles pratiques entrelaçant les luttes anti-racistes avec celles pour les droits du travail, les luttes anti-sexistes avec celles contre la crise climatique, le patriarcat et le capitalisme. L’objectif est la création d’une «force collective élargie, respectueuse ainsi que critique des différences, capable de se mesurer avec l’intersectionnalité dans toutes ses contradictions. Voilà le défi et l’effort d’imagination qu’aujourd’hui les mouvements de libération sont appelés à relever, face à une crise civilisationnelle entraînant toutes les institutions sur lesquelles la politique a jusqu’à maintenant reposé.»

R.C. Qu’est-ce que le mouvement féministe italien Non Una di Meno (Pas une de moins) et pourquoi organise-t-il une grève depuis quatre ans des activités productives et reproductives[1] le 8 mars (et lundi 9 mars cette année en Italie) ?

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L.M. L’initiative qui a donné à la date du 8 mars un nouveau visage tout à fait particulier en raison de ses traits radicaux – grève des activités productives et reproductives – naît en Argentine lorsque, le 19 octobre 2016, les femmes, qui par la suite donneront naissance au réseau Ni una menos, croisent les bras. Or, elles ne le font pas à cause de la disparité des salaires ou les discriminations sur le lieu de travail, mais à cause du viol et de l’assassinat d’une fille de seize ans, Lucia Lopez.

C’est la réponse imprévue qui détermine le rapprochement inédit entre des réalités que nous sommes habitués à considérer comme séparées : la violence contre les femmes et les revendications syndicales, les restes d’une domination qui passe par les affaires les plus intimes et l’exploitation qui est la base de l’accumulation du capital. Après tout c’est le lien que nous cherchions déjà dans les années Soixante-dix : la corrélation entre expériences reléguées pendant des siècles à la sphère du privé et au destin des femmes – la sexualité, la maternité, les activités de soin aux enfants et à la famille, de manière réductrice et inappropriée placées sous la rubrique «reproduction»  – et les organisations à caractère social et économique ; un rapprochement voué à leur modification.

« Penser une journée sans nous », comme l’indique le slogan de Non una di meno, signifie montrer du doigt la division sexuée du travail, remettre en question l’acte de fondation de la politique elle-même, à savoir la séparation entre le corps et la polis, cette violente différentiation qui a placé l’homme sur le devant de la scène de l’Histoire et la femme du côté de la Nature. Cela signifie surtout, comme le groupe pour le Salaire pour le Travail au Foyer l’avait fait dans les années Soixante-dix, reconnaître que les activités de soin que les femmes sont appelées à mener à bien au sein du foyer, considérées comme «don d’amour», comme qualités intrinsèques à leur rôle de mères, ne font qu’un bloc avec l’économie à grande échelle ; elles s’avèrent le soutien matériel et psychologique de l’homme dans l’accomplissement de ces tâches sociales et civiques. On a dû attendre un demi siècle pour assister à un échange des rôles tout à fait singulier : pendant que le féminisme s’approprie la grève, jusqu’à maintenant liée à la sphère de la production, des sujets différents se reconnaissent dans ses mots d’ordre. Ce qui les unit, c’est la volonté de délivrer le monde des violences sexuelles et de genre, des injustices, de la haine raciale, de la mauvaise éducation, de la dégradation de l’environnement.

La grève du 8 mars clarifie le rôle transversal des femmes, leur présence en tant que force de travail tant dans le privé que dans le public, et par conséquent ébranle l’opposition entre amour et travail, entre survie économique et survie affective. Celle que j’ai appelée «l’infamie originaire» fait enfin surface.

R.C. Pensez-vous que la prochaine grève du 8 mars 2020 pourra impliquer aussi les syndicats comme la CGIL, homologue de la CGT en France?

L.M. Il n’y a eu que les syndicats de base qui ont participé à l’organisation de la grève du 8 mars. A l’exception de la fédération de l’école et de l’université, malheureusement la CGIL nationale a paru étrangère, voire hostile, à la grève. Cela ne fait aucun doute que l’implication du majeur syndicat est importante pour la réussite d’une initiative qui, malgré sa portée transnationale, tend à être éclipsée ou, du moins, marginalisée. C’est le destin que les mouvements féministes, et non uniquement, ont connu jusqu’à maintenant, surtout s’ils ont gardé, comme en Italie, une position de forte autonomie par rapport aux formations sociales, syndicales et politiques organisées, ce qui est sans doute une différence majeure entre le 8 mars italien et espagnol. Je souhaite que la CGIL revienne sur ses positions.

R.C. Vous prétendez que la politique est une «recherche de corrélations» entre différentes formes de domination et d’oppression. Comment le mouvement féministe Non una di meno a-t-il mis en œuvre cette pratique en Italie?

L.M. On peut parler de «corrélations» entre différentes formes de domination lorsqu’on commence à les voir surgir, à en apercevoir le poids, le danger, au sein de la société où nous vivons, et surtout lorsqu’on en reconnaît la commune origine. Ce n’est pas le fruit du hasard si aujourd’hui le réseau féministe international Non una di meno pose la question de l’intersectionnalité, la coprésence, au sein de la vie individuelle, de violences, injustices, expropriations diverses, même si nous ne sommes pas conscients de tout cela au même degré.

L’un des slogans du mouvement des femmes des années Soixante-dix que j’ai le plus aimé est «modification de soi et modification du monde». Mais le monde à l’époque était «autre», «lointain», séparé du «soi» que nous étions en train de découvrir et d’interroger, telle une archive historique et culturelle ensevelie depuis des millénaires dans le privé, et livré aux lois immuables de la nature. Fille de métayers très pauvres, après avoir fui la province, je ne me suis pas rapprochée des mouvements nés de Mai 68 en raison de mon appartenance de classe mais en raison d’un corps et d’une sexualité profondément marqués par la violence masculine, à laquelle j’avais assisté dans mon foyer. Si nous les observons du point de vue de la subjectivité, du vécu personnel, les «corrélations» semblent presque toujours contradictoires, conflictuelles, cachées, et ce n’est pas étonnant si nous parvenons à les reconnaitre comme besoins et désirs dans des temps et selon des modalités différentes.

interview Altritaliani
Lea Melandri

La «matérialité» de l’expropriation qui a concerné le corps des femmes, identifiées avec la sexualité et la fonction reproductive, effacées en tant qu’individus, réduites à un genre, est devenue prioritaire par rapport à une révolution qui se réclamait des luttes ouvrières et du marxisme. Le mot «corrélatio », qui est entré tout de suite dans ma pratique politique, est devenu un corps à corps avec la gauche extraparlementaire, retranchée sur la défense de l’unité de classe, méfiante vis-à-vis de ce «sujet imprévu» qui parlait de sexualité, maternité, avortement, et qui, depuis  cet «ailleurs» de la politique, désignait le sexisme comme la racine originelle de toute forme de domination.

Grâce à Non una di meno la perspective s’est élargie en Italie, le «soi» et le monde ne sont plus si éloignés, le sexisme, le racisme, le classisme, le fascisme dévoilent leur transversalité ainsi que leur portée «objective». Pour s’y opposer – si l’on veut éviter de basculer dans l’idéologie – une prise de conscience s’impose encore et toujours ; celle-ci implique l’attention aux vécus, aux relations entre individus et collectivité ainsi que la capacité de mettre la vie au cœur de la politique.

R.C. Angela Davis prétend que racisme et capitalisme ont partie liée. Le capitalisme lui-même, affirme-t-elle, découle du colonialisme et le féminisme s’oppose à tous les deux. Qu’en pensez-vous ?

L.M. Je partage l’affirmation d’Angela Davis qui dit que «le féminisme concerne bien plus que la simple égalité de genre, et bien plus que le genre lui-même». Mais il fallait que le mouvement de libération des femmes des années Soixante-dix prenne ses distances avec les luttes d’émancipation, tout comme avec les luttes ouvrières anticapitalistes, pour faire émerger un «refoulement» qui est en amont des découvertes de Marx et Freud – l’exploitation économique, la sexualité – et lié à celles-ci, à savoir l’effacement de la femme en tant que sujet à part entière, son identification avec la sexualité et la maternité, son exaltation dans le domaine de l’imaginaire et son insignifiance dans l’histoire.

Colonialisme et racisme parlent une langue solidaire avec les constructions de genre, avec l’image du masculin et du féminin telles que nous les avons reçues en héritage du sexisme. Les noirs, les juifs, ont été considérés comme des peuples «possédant une proportion plus grande de féminité» (Otto Weininger). Eu égard au capitalisme, on peut dire qu’il y a une différence entre la mercantilisation du corps de l’ouvrier et le destin attribué au sexe féminin. Alors que le premier est une main-d’œuvre qui, en se vendant à un patron, fait de son propre corps une marchandise, sans pour autant perdre son individualité et se réaffirme au sein de la famille dans son rôle de patriarche par rapport à sa femme et ses enfants, la femme incarne la «première» marchandise ou la marchandise par excellence et coïncide avec le corps, un corps auquel l’homme a donné une forme, des noms, des fonctions.

lea melandriL’ouvrier fait de lui-même une marchandise par rapport à d’autres hommes ; la femme, en revanche, est une marchandise échangeable parmi les hommes. Pour cette raison, s’il est important, comme Angela Davis le dit, de mettre en relation les différentes formes de domination et exploitation, il est tout aussi important que l’on ne répète pas l’erreur de dissimuler la source originelle de toute violence et prévarication, qui, peut-être justement à cause de cela, a encore du mal à s’imposer au sein des luttes contre le système. A cela s’ajoute le fait que la domination masculine s’est entremêlée et confondue avec des aspects humains plus intimes : les hommes sont les fils des femmes ; ils rencontrent ce corps qui leur a donné la vie au moment où ils sont le plus dépendants, lors de l’enfance, et le retrouvent  plus tard, dans leur vie amoureuse d’adultes. Ils sont à ce moment-là dans une position de force renversée mais qui n’en reste pas moins ambiguë : « patriarches » mais aussi, d’une certaine manière, encore enfants d’une femme-mère.

R.C Au-delà du mouvement féministe et anti-raciste, le mouvement contre la crise climatique s’est aussi affirmé depuis 2019. Ces sont tous ensemble des signes d’une radicale transformation de la politique au niveau global. Au sein du mouvement écologiste et politique, ce qui me frappe le plus est le rôle de protagonistes des jeunes, et tout particulièrement d’une génération de jeunes femmes. Dans la perspective de cette politique que vous dénommez «politique des corrélations», comment jugez-vous ce mouvement ? Qu’est-ce qu’une grève dans une perspective éco féministe ?

L.M. La thématisation d’un socle commun entre les différentes formes d’exploitation était déjà présente chez les éco féministes des années Soixante-dix : du sexisme à l’abus des ressources naturelles, jusqu’à la discrimination des animaux non humains. Mais ce n’est qu’aujourd’hui, à partir de la crise climatique, que nous avons vu émerger au niveau global un mouvement écologiste tout à fait particulier, et non seulement d’un point de vue numérique. Sur les places des lieux les plus disparates sur la planète, une génération très jeune, fortement caractérisée par la présence centrale des femmes, a fait son apparition.

En réalité, un lien entre la femme, la nature et les animaux a toujours existé et ne repose pas uniquement sur l’expérience de la violence, faite de hiérarchies de pouvoir, valeur, exploitation, destructivité. Il faudrait le chercher plutôt du côté de la correspondance entre la puissance générative des femmes, la fertilité de la terre et l’animalité telle «la composante charnelle de l’homme» qui semblait n’appartenir, comme Bachofen le dit, qu’au principe maternel.

Nous devrions orienter l’analyse politique sur ce terrain-là qui, pour concerner l’imaginaire, ne représente pas moins le fondement de la construction culturelle masculine qui attribue aux hommes une humanité supérieure avec ses privilèges ; cela pour ne pas rester confinés à une « alliance des corps » ne correspondant à rien d’autre qu’à une coprésence aux manifestations, un engagement commun au sein des mouvements, une solidarité. Non una di meno a participé à la grève globale contre la crise climatique. Ses slogans ont tenté, tout en préservant la spécificité de la violence faite aux femmes, de faire le lien entre patriarcat, capitalisme, racisme, spécisme, forme autoritaire de gouvernement. Des pancartes que l’on avait du mal à ne pas définir sexistes, au delà des intentions des auteurs, n’ont pas manqué. Cela signifie que l’intersectionnalité peut devenir la base d’une action commune vraiment révolutionnaire par rapport à celle existante seulement si nous arrivons à la pousser jusqu’aux « racines de l’humain », jusqu’à ces constructions inconscientes que nous portons en nous mêmes depuis des siècles. Nous devrions tenir compte du fait que le « capital symbolique » – pour utiliser une expression de Pierre Bourdieu – est encore l’un des obstacles les plus forts qui empêche d’étaler au grand jour toute autre forme de domination.

R.C. Comment expliquez-vous le choix, de la part de sujets opprimés et subalternes différents, de se ranger du côté du féminisme pour revendiquer leur lutte contre la violence sexuelle, économique et sociale ?

L.M. Affirmer, comme on peut le lire dans les documents de Non una di meno en Italie, que «la grève est à tou.te.s» conduit à penser effectivement que le féminisme tend à prendre la place de ce Sujet révolutionnaire unique qui correspondait autrefois à la classe ouvrière. En gros, une sorte de joker. De la même manière, ce serait réductif de lire cette affirmation comme une simple alliance entre mouvements divers, chacun avec sa propre identité. Si le féminisme peut être considéré aujourd’hui comme le point de référence incontournable d’un processus de libération commune à plusieurs subjectivités, c’est dû au fait que ses pratiques – l’attention au «soi», au corps, aux sentiments, à l’imaginaire, aux structures inconscientes, à l’intériorisation des besoins que l’apparat de domination lui-même alimente – permettent d’interroger les contradictions qui se manifestent lorsque les différentes appartenances, de sexe, de genre, de race, de classe, etc., sont vues dans le contexte du vécu personnel, de l’expérience individuelle. Nous savons que l’on peut être à la fois anticapitaliste et sexiste, homophobe. L’élément unificateur est à rechercher, à mon avis – comme le dit la philosophe italienne féministe Maria Luisa Boccia – en partant de ces pratiques radicales grâce auxquelles le féminisme a exigé de redéfinir la politique: la centralité de la vie personnelle et des relations, la critique de tous les dualismes, l’invention d’une langue capable de «raisonner avec une mémoire profonde de soi, la langue intime de l’enfance et, à la fois, avec les mots du monde externe, les langages de la vie sociale, du travail, des institutions.» Il n’y a rien de plus éloigné des formes organisées que la politique a connu jusqu’à maintenant, avec des chefs, des hiérarchies, des retranchements identitaires, la peur des différences, le besoin d’unité, qu’une pratique attentive au rapport individu-collectivité, mais aussi inconscient-conscience, sentiments et raison. Le défi et l’effort d’imagination que les mouvements de libération sont appelés aujourd’hui à relever, face à la crise civilisationnelle et institutionnelle qui ébranle la vieille politique, correspondent à la recherche de cette force collective élargie, respectueuse et critique à la fois des différences.

R.C. Pour le féminisme intersectionnel le discours antiraciste est primordial. La polémique avec le féminisme « blanc » et « bourgeois » est très forte. « Dès que les femmes, en particulier […] les femmes blanches privilégiées, ont commencé à gagner du pouvoir de classe sans se débarrasser du sexisme qu’elles avaient assimilé, les divisions entre femmes se sont exacerbées » a écrit par exemple le collectif de féministes noires lesbiennes, le Combahee River Collective. Que pensez-vous de ce conflit ?

L.M. Le discours antiraciste a une grande importance dans le cadre des analyses et des initiatives de Non una di meno, tant à cause du caractère global de cette génération féministe, qu’en raison du fait que notre pays aussi est en train de changer à la suite des migrations et surtout des politiques de fermeture, de rejet, voire de celles ouvertement marquées du sceau du racisme. La critique du féminisme « blanc » est justifiée par le silence que le mouvement des femmes italiennes a gardé pendant des décennies à ce sujet. Les études n’ont pas manqué mais – juste pour donner un exemple – la collection «Sexisme/racisme » des éditions Ediesse en Italie est née assez récemment. Tout comme nous avons remis en question la fausse « neutralité de la pensée et du langage masculin, il fallait reconnaitre la fausse universalité d’une analyse liée à un contexte historique spécifique, celui des femmes « blanches », et de plus de milieu bourgeois. La violence contre les femmes, tant dans ses formes invisibles qu’apparentes – viols, féminicides, campagne anti-avortement, etc. – est transversale aux différentes appartenances et il est encore difficile de thématiser cet aspect si crucial au sein des mouvements antiracistes, anticapitalistes, écologistes eux-mêmes. Les conflits entre femmes, lorsque les différentes appartenances font surface, ainsi que l’imbrication avec leurs propres vies, sont inévitables, dans la mesure où tout cela a partie liée à des besoins et des vécus souvent contradictoires. Une fois de plus l’exhortation à « partir de soi » aide à ouvrir la voie vers cet arrière-plan idéal représenté par la mémoire collective rapprochant les expériences propres à chacune, bien au delà du sceau que les différentes cultures y ont apposé.

Propos recueillis par Roberto Ciccarelli («Il Manifesto»)

et traduits en français par Francesca Sensini

* Interview publiée en langue italienne dans le 17ème Rapport des droits globaux – Changer le système 2019, sous la direction de Sergio Segio (Association Société INformation), Ediesse, Rome 2019, et par le site d’information www.dinamopress.it


[1] Presque totalement ignorée en France, la thématique liée au binôme production/reproduction est primordiale au sein du mouvement féministe en Italie depuis les années 70, grâce à des figures comme Lea Melandri. A cette époque la lutte pour le salaire des travailleuses domestiques [salario domestico] a été avancée par les groupes Lutte féministe pour un salaire aux travailleuses domestiques  [Lotta Femminista e del Salario al Lavoro domestico] et par le Comité de Lutte dans les Trois Vénéties [Comitato Triveneto]. Ce salaire a été théorisé dans les travaux de Maria Rosa dalla Costa, Leopoldina Fortunato, Silvia Federici, Antonella Picchio, Giuliana Pincelli et Selma James. Depuis elle a été réinvestie en 2015 en Argentine avec Ni una menos dans le cadre de la double critique au patriarcat et au capitalisme, pour faire son retour en Italie dans la double revendication du revenu d’autodétermination et du salaire minimum pour toutes, indépendamment de l’appartenance nationale et de classe des femmes.

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Francesca Sensini
Francesca Irene Sensini è professoressa associata di Italianistica presso la Facoltà di Lingue e Letterature Straniere dell’Università Nice Sophia Antipolis, dottoressa di ricerca dell’Università Paris IV Sorbonne e dell’Università degli Studi di Genova. Comparatista di formazione, dedica le sue ricerche alle riletture e all’ermeneutica dell’antichità classica tra il XVIII e l’inizio del XX secolo in Italia e in Europa, nonché alle rappresentazioni letterarie e più generalmente culturali legate al genere.

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