Un spectacle magique, d’une très grande force émotive, d’une grande sincérité.
Cìncali, traduit, adapté et interprété par Hervé Guerrisi à la Vénerie de Bruxelles, évoque la vie des mineurs italiens en Belgique dans l’après-guerre. Le récit est livré à travers le verbe truculent du facteur, resté dans son village des Pouilles pour distribuer, lire et écrire le courrier. Pinuccio, âgé de 16 ans lorsque les hommes commencent à s’exiler, est aujourd’hui la mémoire collective de son village.
«N’oublie jamais que tu es un petit-fils de mineur italien.» Cette phrase, maintes fois entendue pendant son enfance, a entraîné le comédien Hervé Guerrisi sur les traces de son histoire, de Bruxelles jusqu’au Salento, là-bas, tout au fond du talon de la botte. Elle lui a permis non seulement de savoir qui il est, mais aussi de nous offrir une heure et demie de ravissement.
Lorsque le grand-père d’Hervé Guerrisi quitte l’Italie, en 1948, le gouvernement s’est engagé à fournir à la Belgique 50 000 hommes de moins de 35 ans, à raison de 2 000 par semaine, en échange de la possibilité d’acquérir 200 kilos de charbon par jour. Les villages du sud, dont l’économie s’est effondrée en même temps que la société féodale, sont vidés de leurs hommes, sacrifiés pour la survie de leur famille mais aussi pour le développement économique de leur pays. La catastrophe de Fukushima nous rappelle à ce propos que les nécessités de la production énergétique font toujours peu de cas de la vie humaine.
Le «travail bien rémunéré», les «logements décents» et autres bienfaits vantés par les affiches placardées dans tout le pays au lendemain de la guerre cachent une réalité universelle, celle du déracinement volontaire, de l’exode économique, que le comédien évoque avec beaucoup de force et d’émotion : solitude, misère, épuisement du corps au travail, racisme.
Cìncali, déformation francophone de Zingari (gitans), est le terme péjoratif utilisé pour désigner les immigrés italiens.
L’évocation du travail dans la veine 25, nommée d’après la hauteur de la lampe du chef d’équipe, à 1 350 mètres sous terre, est aussi bouleversante que l’évocation de Pinuccio aux prises avec le désir des femmes esseulées est drôle. Hervé Guerrisi n’a qu’une chaise pour accessoire, et pour seul décor un rideau noir et deux dispositifs d’éclairage, un pour le personnage de Pinuccio, l’autre pour le comédien récitant. La mise en scène, assurée par Mario Perrotta, est ainsi fidèle à la création originale, qui a connu un grand succès en Italie. Si le comédien a pu s’approprier avec autant de talent le texte de Perrotta et Bonazzi, c’est parce qu’il porte lui aussi cette histoire. Et c’est précisément cette implication personnelle qui distingue l’acteur-auteur de théâtre-récit d’un simple conteur. Une autre spécificité de ce théâtre est le rapport direct qu’il établit avec le public. Sur ce dernier point également, le travail d’Hervé Guerrisi est remarquable, et son émotion fort communicative.
Juliette Gheerbrant
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Cìncali, mineur à vie !
Création française d’un texte considéré comme l’un des plus importants du théâtre italien de ces 10 dernières années…
Un récit de Mario Perrotta et Nicola Bonazzi, traduit, adapté et interprété par Hervé Guerrisi.
Mise en scène de Mario Perrotta.
Du jeudi 28 avril au samedi 7 mai, à 20h30.
Théâtre de la Vénerie, Bruxelles.
Rés : +32 (0)2 672 14 39
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Italinscena est un rendez-vous d’exploration critique des nouvelles écritures théâtrales italiennes proposé par les lecteurs et traducteurs du Comité italien de la Maison Antoine Vitez en partenariat avec ALTRITALIANI.NET
Maison Antoine Vitez
Centre International de la Traduction Théâtrale
134, rue Legendre – 75017 Paris
http://www.maisonantoinevitez.fr/
Membres du comité italien: Antonella Amirante (metteuse en scène), Sylvia Bagli (comédienne, traductrice), Angela de Lorenzis (dramaturge), Eve Duca (enseignante, traductrice), Olivier Favier (traducteur), Juliette Gheerbrant (traductrice), Hervé Guerrisi (comédien, traducteur, metteur en scène), Federica Martucci (comédienne, traductrice), Amandine Mélan (traductrice),Caroline Michel (comédienne, traductrice), Antonia Proto Pisani (dramaturge), Julie Quénehen (enseignante, traductrice), Paola Ranzini (enseignante)