La Librairie italienne La Tour de Babel, 10, rue du Roi de Sicile 75004 Paris, et les Editions Gallimard
vous invitent à rencontrer Erri De Luca et sa traductrice Danièle Valin le mercredi 19 mai 2010 à partir de 19h
à l’occasion de la parution en France de «Le Jour avant le bonheur» (titre original : «Il giorno prima della felicità» (Feltrinelli).
Nous sommes à Naples, dans l’immédiat après-guerre. Un jeune orphelin, qui deviendra plus tard le narrateur de ce livre, vit sous la protection du concierge, don Gaetano. Ce dernier est un homme généreux et très attaché au bien-être du petit garçon, puis de l’adolescent. Il passe du temps avec lui, pour parler des années de guerre et de la libération de la ville par les Napolitains ou pour lui apprendre à jouer aux cartes. Il lui montre comment se rendre utile en effectuant de menus travaux et d’une certaine façon, il l’initie même à la sexualité en l’envoyant un soir chez une veuve habitant dans leur immeuble. Mais don Gaetano possède un autre don : il lit dans les pensées des gens, et il sait par conséquent que son jeune protégé reste hanté par l’image d’une jeune fille entraperçue un jour derrière une vitre, par hasard, lors d’une partie de football dans la cour de l’immeuble. Quand la jeune fille revient des années plus tard, le narrateur aura plus que jamais besoin de l’aide de don Gaetano…
Dans la veine de « Montedidio », ce nouveau livre du romancier italien s’impose comme un très grand roman de formation et d’initiation.
Erri De Luca est né à Naples en 1950 et vit à la campagne près de Rome. Aux Éditions Gallimard ont paru notamment Montedidio (2002, Prix Femina Étranger), Noyau d’olive (2004) ou encore Au nom de la mère (2007). Il est aujourd’hui un des écrivains italiens les plus lus dans le monde.
(présentation de l’éditeur)
Morceau choisi du nouveau libre-roman ?, conte ?, fable ? de cet enfant de Naples :
«Quelquefois, je voyais le golfe d’un tournant de la route sur la colline. Toute cette beauté invisible à qui se trouvait dedans ne semblait pas possible. Nous étions des poissons dans une épuisette, avec l’immensité de la mer autour. Je cherchais l’endroit où se trouvait notre ruelle, mais on ne la voyait pas, les rues étaient ensachées. Nous, nous vivions là ignorant comme la lumière et l’air variaient un mètre au-dessus de la ville. Du tournant sur la colline, la nature faisait un demi-cercle de terres avec le Vésuve au centre. La nature existait de loin. Don Gaetano m’emmena un dimanche sur le volcan.
“Tu dois le connaître, c’est le propriétaire, nous sommes ses locataires. Celui qui est né ici lui doit une visite.”»
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La critique de Martine Laval dans Telerama n° 3148 – 15 mai 2010
Erri de Luca. Le jour avant le bonheur
Naples vilipendée et adorée
Dans son style singulier, l’auteur met en scène les sentiments violents que lui inspire sa ville natale.
Il est écrit sur la couverture du livre : roman. Le Jour avant le bonheur serait donc une fiction. Lorsque l’auteur se nom-me Erri De Luca, on sait – ses fans, lecteurs attentifs, savent – que rien n’est moins simple. Car l’écrivain italien ne fait pas bande à part, mais représente un genre littéraire à lui seul. De son premier livre, Non ora, non qui, publié en 1989 dans son pays (« Une fois, un jour », Verdier, 1992), à ce tout dernier, l’auteur, âpre au travail comme en écriture, élargit, pas à pas, ses chemins littéraires. Ici, il imagine patiemment des carrefours, qui seraient connexions entre imaginaire et réalité ; là, il défriche sans bruit d’autres terrains, aux lisières floues, délicates à nommer, qui seraient douceur et amertume, douleur et mélancolie. L’enfant de Naples, né dans le mitan du XXe siècle, fraie avec le texte purement autobiographique, le récit politique, la poésie, la fable, l’essai, le théâtre, le conte initiatique… et le roman – ce dernier évidemment paré de tous les genres précédents. Erri De Luca qui, sans faiblir, s’amuse à dire préférer le vin à la littérature, construirait donc presque malgré lui (!) une oeuvre. Il brouille les pistes, refuse les ghettos, étonne ses lecteurs, se surprend lui-même sans nul doute, et nous offre des miniatures qui portent toute sa patte : phrases essorées, mots du quotidien, mots de rien, auxquels il insuffle une nouvelle vie, un nouveau sens, une beauté légère, toute de grâce, à la fois éphémère et intemporelle.
En France, une vingtaine de livres sont publiés, tous suivis à la trace par « sa » traductrice de toujours, Danièle Valin. L’Italien y parcours le monde et ses chaos, s’ancre dans le passé pour mieux le sonder, le faire sien, et ainsi, comprendre le présent, le questionner, le raconter, sans lui pardonner. Il se met à l’écoute de la Seconde Guerre mondiale, des années de plomb, des mystères de l’enfance et de l’adolescence, et de sa ville natale, cette Naples autant adorée que vilipendée. Ainsi va l’amour chez Erri De Luca…
Dans la veine poétique de Tu, mio (éd. Rivages) et de Montedidio (éd. Gallimard), Le Jour avant le bonheur met en scène un gosse de 13 ans, orphelin, livré dans l’immédiate après-guerre aux ruelles grouillantes de Naples-la-folle, Naples-l’insaisissable, cité au peuple bigarré, capable du pire (la collaboration avec les nazis) comme du meilleur : offrir une cache à l’homme poursuivi, offrir du pain, de l’amitié, du sexe, des songes, des livres, et une histoire d’amour au gamin abandonné.
Le Jour avant le bonheur, fable initiatique et ode galante, raconte l’innocence, les rêves perdus, le besoin de fratrie, et signe surtout la réconciliation de l’auteur avec les lieux de son enfance. Par la voix de son narrateur devenu adulte, Erri De Luca donne à sa ville le premier rôle, fait d’elle une héroïne échevelée et gracieuse, impitoyable et sensuelle. Il lui glisse des déclarations de fougue – passion et politique, à la vie, à la mort : «Naples s’était consumée de larmes de guerre, elle se défoulait avec les Américains, c’était carnaval tous les jours. C’est à ce moment-là que j’ai compris la ville : monarchie et anarchie. Elle voulait un roi, mais pas de gouvernement. C’était une ville espagnole. L’Espagne a toujours connu la monarchie, mais aussi le plus fort mouvement anarchiste. Naples est espagnole, elle se trouve en Italie par erreur.»
Dans ces pages où le Vésuve veille sur la vie et la reprend quand bon lui semble, Naples la furieuse explose. La ville se donne à Erri De Luca, qui succombe – enfin – à ses charmes. Rien que pour elle, le fils prodigue lui écrit un «vrai roman» d’amour, feu et cendres.