Teresa Matteucci vit à Paris depuis plusieurs années, mais retourne souvent dans son Italie d’origine. C’est une «Altritaliana», qui a construit sa vie entre ces deux cultures à la fois si proches et si différentes, qu’elle aime du même amour, celle de ses racines italiennes et celle de son pays d’adoption, la France. Elles lui offrent une double richesse dont elle se nourrit, une double appartenance dont elle est fière. Teresa Matteucci a fait de la critique littéraire et des traductions pour l’édition et la télévision. «Enquête sur un désir», paru chez L’Harmattan, écrit en français, est son premier roman. Un beau portrait de femme à la recherche d’elle-même et à laquelle de nombreuses lectrices de sa génération ne manqueront pas d’avoir des tentations d’identification.
LE LIVRE :
« – J’habite tout près de chez vous. Et c’est la seule raison pour que je vienne vous voir, me dit-elle, avant même de s’asseoir en face de moi.
Déjà agressive au premier abord. Je me blinde et l’invite doucement à s’installer. »
Ainsi débute le roman, avec la rencontre entre une psychothérapeute et sa patiente, Sandra, une jeune femme d’origine italienne installée à Paris.
Ici, parti pris surprenant et piquant, c’est l’analyste qui raconte, sans langue de bois et sans prosélytisme, dans un style vivant, direct, fluide, et non la protagoniste. Par «plaisir d’écrire» et de s’éloigner de la pure démarche professionnelle, elle s’attache à recomposer, dans ses lignes essentielles, le parcours d’une vie, celle de sa patiente, qui peu à peu l’intrigue et la fascine par ce qu’elle a en elle de douloureusement névrotique, tout en restant d’une étonnante lucidité. Une psy par ailleurs originale (une bonne pub pour l’analyse !) puisqu’elle n’hésite ni à prendre la plume ni à laisser percevoir ses émotions.
Alternant le présent du travail analytique et l’évocation du passé, la psy-narratrice dessine le portrait de cette Sandra, véritable personnage de roman. Deux temps, deux langages, la monotonie et l’ennui de la chronologie sont ainsi habilement évités.
Le toile de fond est intéressante : d’abord l’Italie, du fascisme à l’après-guerre dans une petite ville de province ; de l’après-guerre aux grandes mutations de la société et des mœurs ; enfin Paris, au cours des années 80. De belles pages sur les parents de Sandra, son éducation, le rôle de la religion et les conditions de vie à l’époque de sa jeunesse, puis sur la fascination qu’exerce sur elle la vitalité intellectuelle de la capitale française, le “choc amoureux” puis la désillusion de sa rencontre avec Laurent.
Tout au long du livre, en adoptant la méthode, le ton et le suspens d’une “enquête”, l’analyste suit sa patiente dans la recherche de son “désir”. Désir trop souvent entravé et contredit, caché dans le plis et les replis d’une histoire personnelle, constamment pris au piège d’ “absolus” inatteignables et tyranniques, mais qui subsiste et résiste jusqu’à la libération finale. Et puisque «c’est du désir que naît la volonté», selon les mots de Diderot cités en exergue, Sandra n’en est que plus attachante.
Pour quelles raisons Teresa Matteucci a-t-elle fait le choix d’écrire en français ? Par amour de la langue de Molière, plus rationnelle, plus structurée que l’italien ? Par défi ? Par goût de l’effort ? Sans doute. Mais plus encore, il en est d’ailleurs question dans le roman, parce que la transgression de la langue maternelle aiguise le désir d’écrire et parce que c’est la langue dans laquelle elle a elle-même accompli son analyse.
Evolena
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