Voix prometteuses de la scène littéraire italienne en traduction française

A la découverte de jeunes auteurs italiens encore peu connus en France: Daniele Mencarelli, Marta Barone, Giuseppe Catozzella, Manuela Piemonte.

L’édition 2022 du Festival Italissimo, dirigé par Fabio Gambaro, s’est achevée. Le public a répondu présent en grand nombre. Les passionnés de littérature italienne (dont nous faisons partie) ont pu assister à de belles rencontres-débats avec des auteurs de réputation déjà affirmée dans l’hexagone comme Claudio Magris, Erri De Luca, Cristina Comencini, Francesca Melandri, Silvia Avallone, Wu Ming….., mais aussi découvrir des nouvelles voix de la littérature italienne récemment traduites et éditées en France. C’est sur ces belles découvertes et nouveautés que nous voulions aujourd’hui attirer votre attention, susciter votre curiosité. Merci aussi aux éditeurs et traducteurs! Des liens sont indiqués pour qui parmi nos lecteurs préfère lire en langue originale.

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Italissimo 2022 – Rencontre avec Daniele Mencarelli et Marta Barone à la Maison de la Poésie à Paris

Pour commencer, deux romans où la fiction joue avec le récit autobiographique et l’épreuve de la douleur :

DANIELE MENCARELLI
Nous voulons tous être sauvés(sorti en mars 2022)
Titre original : Tutto chiede salvezza (Oscar Mondadori 2020) – Premio Strega Giovani
traduction Nathalie Bauer
Editions Globe, page dédiée

Nous voulons tous être sauvésL’auteur (romain), à son second roman après «La casa degli sguardi», plonge ici dans l’univers des hôpitaux psychiatriques, où le protagoniste, à vingt ans, se retrouve placé sous le régime de l’hospitalisation sans consentement. Dans ces pages il fait preuve d’une délicatesse et d’une puissance uniques pour raconter les précipices de la folie et l’absurdité des lieux.

La trame: Qui est fou? Où est la folie?
Parce qu’il a brusquement plaqué son boulot, sniffé de la coke et tout vandalisé dans l’appartement de ses parents, Daniele, vingt ans, se retrouve placé sous le régime de l’hospitalisation sans consentement pour une semaine à l’ouverture de la Coupe du monde de football. Forcé de se soumettre aux soins et de se tenir à carreau, il partage une chambre avec Alessandro, Gianluca, Giorgio, «Bonne-Dame» et Mario.
Où est la folie ? Dans les manies, les obsessions et les maladresses des malades, dans le feu noir sans fin qui embrase leurs regards éperdus? Qui est fou ? Ces six compagnons qui souffrent chacun d’un chagrin d’enfant inconsolable mais qui sont capables de fraterniser en un clin d’œil ? Ou des médecins entraînés à qualifier de «trouble mental» le moindre scrupule de conscience, la peur de la mort et la soif de trouver un sens à la vie?

Avec cette description au scalpel mais baignée de tendresse du quotidien d’un hôpital psychiatrique, Daniele Mencarelli signe un livre puissant et roboratif qui lui a valu le prestigieux prix Strega Giovani, équivalent de notre prix Goncourt des lycéens en Italie.

MARTA BARONE
Cité engloutie (sorti en mars 2022)
Titre original : Città sommersa (Bompiani 2020) – Premio Vittorini 2020
Traduit de l’italien par Nathalie Bauer
Editions Grasset, page dédiée

Cité engloutie Dans Cité engloutie, son premier roman, intime et fort, Marta Barone (turinoise), qui a perdu son père à l’âge de 24 ans, fait face à l’absence et à la souffrance, mais également à l’histoire passée et au dossier judiciaire de son père où elle découvre une vérité insoupçonnée liée aux années de plomb.

La trame: Marta perd son père à l’âge de 24 ans. Mais est-on encore orphelin à cet âge-là? Toute la souffrance liée à cette disparition ressurgit en même temps que le dossier judiciaire de son père, quelques années après le décès de celui-ci. La narratrice savait qu’il avait fait de la prison dans les années 70 – pour un malentendu, croyait-elle, car il a fini par être innocenté.
Or elle découvre une vérité toute différente. Leonardo Barone a en effet d’abord été condamné pour participation à une organisation terroriste. Pourquoi ne lui a-t-il rien dit? A-t-il participé à la lutte armée auprès d’un groupe d’extrême gauche lors des années de plomb? À partir de cette révélation initiale, Marta n’a d’autre choix que d’enquêter pour tenter de comprendre ce qui s’est joué à ce moment-là, à Turin et dans toute l’Italie, afin de connaître ce père qui semble s’être toujours dérobé. C’est finalement le portrait d’un homme qui se dessine, sans concession, et à travers lui, celui d’une période trouble de l’histoire italienne.

Qui étaient ces militants communistes ? En quoi croyaient-ils ? Comment ont-ils vécu ? Que reste-t-il de leur combat, une génération plus tard ? Pour répondre à ces questions, Marta Barone compose un texte intelligent et subtil, empreint d’une grande humanité, qui raconte aussi la rencontre d’une fille avec son père. Un récit incandescent sur l’engagement et la transmission.

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Italissimo 2022 – Rencontre Giuseppe Catozzella et Manuela Piemonte à l’Institut culturel italien de Paris

Suivent deux autres voix parmi les plus poignantes de la nouvelle génération d’auteurs italiens et deux autres romans, abordant des territoires peu explorés de l’histoire d’Outre-Alpes: la colonisation et le brigandage.

MANUELA PIEMONTE
L’Adieu au rivage  (sorti le 24 mars 2022)
Titre original : Le amazzoni (Rizzoli 2021)
Traduction Lise Caillat
Robert Laffont

Manuela PiemonteLa trame: Juin 1940. Le temps d’un été le destin de trois soeurs bascule.
Trois soeurs vivant en Libye – le « quatrième rivage » italien – sont séparées de leurs parents et envoyées pour trois mois dans le camp fasciste de la tour Balilla, sur la côte toscane. Mais au lendemain de leur arrivée, Mussolini déclare la guerre. Pour les centaines de jeunes filles du camp, le retour à la maison devient impossible et la colonie se transforme en séjour au long cours. Elles doivent porter l’uniforme, leurs cheveux sont rasés, leurs noms remplacés par des matricules…
Sara, Angela et Margherita grandissent en se pliant à la discipline de fer du camp et à la propagande fascistes. Leurs seuls chemins vers la liberté sont le songe d’une amazone à cheval et leurs rêves d’évasion.

L’Adieu au rivage est un premier roman poignant, inspiré d’une page d’histoire encore relativement taboue en Italie et sublimé par une écriture poétique et sensible.

GIUSEPPE CATOZZELLA
Brigantessa (à paraître début mai 2022)
Titre original : Italiana (Mondadori 2020)
Traduit de l’italien par Nathalie Bauer
Buchet Castel, page dédiée

Giuseppe CatozzellaDans Brigantessaà paraître en mai chez Buchet-Chastel, Giuseppe Catozzella (milanais) raconte, après un travail de documentation long et ardu, l’histoire humaine, sentimentale et politique de Maria Oliverio, héroïne calabraise, originaire du plateau de la Sila et connue sous le nom de Ciccilla. Éperdue de justice et liberté, elle fut la première et seule femme qui dirigea une bande de brigands dans l’Italie à peine naissante et fut condamnée à mort en 1864. Le roman est traversé d’un vrai souffle épique et le destin fabuleux et tragique de Maria Oliverio est passionnant.

La trame : Calabre, milieu du XIXème siècle. L’enfance de Maria Olivero est bercée par la misère et la pauvreté, dans une famille où l’amour se tapit et où la liberté ne connaît pas de visage. Sa mère est tisserande, son père journalier, ensemble ils peinent à subvenir aux besoins de leurs quatre enfants. Un événement inattendu va alors bouleverser l’enfance de Maria et l’équilibre de la fratrie. Teresa, l’aînée que l’on avait confié à une riche famille dans l’espoir de lui offrir un avenir meilleur fait son retour à la maison après le décès brutal de ses parents adoptifs.
Méprisante et détestable, l’adolescente promet à Maria de lui gâcher la vie. Victime des caprices de son aînée, celle-ci est très vite envoyée chez sa tante Maddalena qui l’éduquera à la solitude et esquissera pour elle les prémices d’une vie au coeur des montagnes dans la vallée de la Sila. C’est le début d’une rivalité sans fin entre les deux soeurs qui marquera considérablement la vie de Maria.
La jeune femme découvrira l’amour et la passion auprès de son mari Pietro, dont les idéaux le porteront à s’engager en faveur de l’unité italienne aux côtés de Garibaldi, mais également le cri de la violence et de la trahison. Malgré les tentatives assidues de Teresa de la réduire à néant, Maria est forte, elle ne fléchit pas. La vengeance mûrit, en elle tout explose, elle devient alors Ciccilla, l’indomptable brigantessa dont le destin et le nom, bien au-delà de la vallée, seront bientôt connus dans toute l’Italie

Note : Le brigandage fut un phénomène complexe qui toucha le sud et le centre de l’Italie lors de l’unification du pays, et qui rassemblait les classes ouvrières agricoles et bourgeoises, opposées à l’annexion du royaume des Deux-Siciles par le royaume de Piémont-Sardaigne. Le mouvement naquit lorsque les classes les plus pauvres prirent conscience que cette annexion trahissait les promesses faites par Garibaldi aux habitants du Sud. On leur avait assuré que l’Italie unifiée deviendrait un pays moderne et émancipé, où règnerait justice et liberté, mais il n’en fut rien. Ainsi, après l’unification, une partie de ce même peuple qui avait suivi Garibaldi s’adonna au brigandage, faisant éclater une guerre civile. Comprendre ce phénomène est fondamental pour comprendre l’Italie d’aujourd’hui.

POUR ALLER PLUS LOIN: Entretien-vidéo avec Giuseppe Catozzella auteur de Brigantessa (Une réalisation de nos amis de l’Italie à Paris)

 

Evolena

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Evolena
Michèle Gesbert est née à Genève. Après des études de langues et secrétariat de direction elle s'installe à Paris dans les années '70 et travaille à l'Ambassade de Suisse (culture, presse et communication). Suit une expérience associative auprès d'enfants en difficulté de langage et parole. Plus tard elle attrape le virus de l'Italie, sa langue et sa/ses culture(s). Contrairement au covid c'est un virus bienfaisant qu'elle souhaite partager et transmettre. Membre-fondatrice et présidente d'Altritaliani depuis 2009. Coordinatrice et animatrice du site.

2 Commentaires

  1. INTERESSANTISSIMO!!!! Quanti nuovi giovani autori italiani da scoprire, suppongo che i libri si trovano nelle librerie italiane a Parigi. Ce n’é una in particolare che consigliate?
    Grazie in anticipo, cordiali saluti, Laura Atzei

    • Buona sera, Grazie degli apprezzamenti! Mi fa piacere. Ho avuto voglia di condividere con i lettori Altritaliani queste scoperte. I libri in traduzione francese si trovano o si possono ordinare in tutte le buone librerie francesi. Per leggerli in versione originale (ogni volta ho indicato titolo italiano, editore, ecc e creato un link), a Parigi si trovano a La Libreria, 89 rue du Fbg Poissonnière, Paris 9e (01 40 22 06 94) oppure à la librairie italienne La Tour de Babel, rue des Rois de Sicile, Paris 4e (métro St Paul). Buone letture! Evolena

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