Interview de Paolo Levi, correspondant de l’ANSA à Paris, à la Radio Télévision Suisse.
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Résumé:
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu a proposé mercredi 15 octobre la suspension de la réforme des retraites jusqu’à l’élection présidentielle et a appelé aux compromis pour sortir le pays d’une crise politique qui dure depuis plus d’un an. Dans ce moment de bascule, le journaliste italien Paolo Levi voit la France dans le miroir de l’Italie, celle qui a connu 70 gouvernements en soixante ans d’histoire républicaine.
Dans l’émission Tout un Monde de la RTS, ce même jour, Paolo Levi, correspondant de l’Agence nationale de presse italienne (ANSA) à Paris explique :
« La France traverse une crise politique qui rappelle celle de l’Italie au début des années 1990, marquée par une instabilité chronique. »
« Nous avons l’impression de faire machine arrière dans le temps ici à Paris, comme si nous revivions l’Italie d’il y a vingt ou trente ans », souligne-t-il, avant de constater qu’avec une Assemblée nationale fracturée en trois blocs presque égaux, « la deuxième économie de la zone euro est difficilement gouvernable, voire paralysée ».
L’Hexagone pourrait s’inspirer de la Péninsule
Face à cette paralysie, l’Hexagone pourrait s’inspirer de la Péninsule en identifiant des priorités consensuelles sur lesquelles les forces politiques pourraient se retrouver: « Je pense qu’il existe des chantiers sur lesquels toutes les forces politiques, de la droite et de la gauche, peuvent travailler ensemble, main dans la main, […] dans l’intérêt supérieur du pays. »
Il prend pour exemple la période de la pandémie, durant laquelle le Premier ministre italien Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne, a agi comme un technicien au-dessus de la mêlée. Dans un esprit de responsabilité nationale, il a su rassembler les forces en présence. « C’est toute la beauté de la politique. Ne pas se méfier forcément du parti adverse, mais l’embrasser et dire : Ok, cela, nous le faisons ensemble ».
Malheureusement, selon lui, en France, le compromis est perçu comme “une compromission”, presque comme “un gros mot” alors qu’au contraire, il représente « la noblesse même de la politique, celle de s’ouvrir à l’autre ».
« La France a relâché son muscle de la politique et du compromis »
Ainsi, il estime que la France a peu à peu perdu ce qu’il appelle le « muscle de la politique », c’est-à-dire la capacité à « savoir s’ouvrir » et ajoute que dans l’Hexagone « soit tout est noir, soit tout est blanc, soit c’est toi qui gouvernes, soit c’est moi », une vision trop « dichotomique » qui freine la recherche de consensus.
« C’est un exercice hyper noble, mais malheureusement la France est un peu prisonnière de son système atypique », poursuit Paolo Levi. Pour lui, le système institutionnel français, centré sur un président aux pouvoirs exceptionnels, a longtemps favorisé des majorités fortes et freiné la culture du compromis: « Je rappelle qu’après le président des Etats-Unis – du moins en Occident -, c’est le seul pays où le président détient à lui seul un pouvoir inédit parmi toutes nos démocraties européennes. »
A ses yeux, les circonstances actuelles appellent Paris à mûrir politiquement et à renouer avec une pratique plus collective du pouvoir, comme l’ont fait d’autres démocraties européennes.
Néanmoins, il rappelle avec ironie que les grandes réformes françaises ont souvent pris des allures de rupture : « Passez-moi la blague, mais quand elle a dû se réformer, la France est toujours passée par la case révolution. Les Français ne sont pas particulièrement enclins au compromis! »
De Rome à Paris: trajectoires de l’extrême droite
Interrogé sur les conséquences liées à une possible arrivée au pouvoir du Rassemblement national, Paolo Levi rappelle que Rome a aussi connu une telle situation avec Giorgia Meloni, issue d’un parti d’extrême droite. Il souligne que, contrairement à ses promesses de campagne, elle a opéré un virage vers le centre : « Elle a gardé l’ancrage de l’Italie à l’Union européenne, parce que nous sommes les premiers bénéficiaires du plan de relance européen. Une manne de 200 milliards d’euros. »
Selon lui, l’exemple italien montre qu’une victoire de l’extrême droite ne mène pas forcément à une rupture avec l’Union européenne.
Propos recueillis par Julie Rausis pour la RTS et publié avec l’accord de Paolo Levi sur Altritaliani.




































