De toutes les richesses: L’univers poétique et chatoyant de Stefano Benni

L’écrivain italien Stefano Benni en compagnie de sa traductrice Marguerite Pozzoli sera l’hôte de La Libreria* mercredi 14 janvier 2015 à partir de 19h pour présenter son dernier roman “De toutes les richesses” publié aux éditions Actes Sud. Un roman chatoyant et polyphonique, mêlant vers et prose, un conte philosophique dont il faut goûter l’inventivité, l’humour, mais aussi la sagesse et la gravité. Saluons au passage la remarquable traduction de Marguerite Pozzoli, qui nous propose ici un article écrit tout spécialement à l’occasion de cette rencontre avec Benni à Paris.

Une invitation à l’été de la saint Martin

«Viens encore, viens ma favorite
descendons ensemble au jardin
viens effeuiller la marguerite
de l’été de la saint Martin… »

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Ces vers m’ont souvent trotté dans la tête pendant que je traduisais le dernier roman de Stefano Benni, De toutes les richesses. Parce que c’est l’histoire, teintée d’humour et de mélancolie, d’un professeur âgé et misanthrope, prénommé Martin, qui retrouve avec Michelle la belle, au demeurant bien plus jeune que le personnage de la chanson de Brassens, la saveur de l’amour et surtout, les infinies richesses que la vie sait offrir, à qui s’offre aussi à elle.

Considéré avant tout, et sans doute à tort, comme un auteur essentiellement satirique, Stefano Benni est aussi capable de décliner des sujets graves: comme dans Achille au pied léger, où un moderne Ulysse devient le meilleur ami d’un Achille gravement handicapé, mais d’une vitalité rare, qui redonnera un sens à son travail d’écrivain à court d’inspiration. Ou comme dans le recueil de poèmes Blues en seize, auquel Benni tient beaucoup, et où il chante, dans un décor urbain peuplé de personnages farouches et solitaires, la «ballade de la ville douloureuse».

Ce n’est pas tellement le sujet de De toutes les richesses qui fait l’originalité du livre. Dans certains romans précédents, comme dans La Compagnie des Célestins, (un de mes préférés), l’inventivité de l’auteur italien s’en donne à cœur joie et nous entraîne dans des univers et des aventures plus fous les uns que les autres.

À partir d’une trame simple, Benni a brodé un roman subtil, dans lequel se croisent toutes sortes de musiques: ainsi, chaque chapitre s’ouvre sur un poème, tantôt en vers réguliers, tantôt en vers libres, qui annonce la couleur, en quelque sorte. Certains semblent émaner d’un personnage mystérieux du livre, le poète l’Enchaîné, mort dans un asile d’aliénés: ils disent alors sa fureur et sa révolte. D’autres sont nostalgiques, ironiques, certains ressemblent à des comptines, d’autres encore, qui évoquent l’univers du cirque, font penser à Apollinaire. En tout cas, un sacré exercice de traduction!

Tissé de citations directes ou cachées (la référence la plus évidente étant Les Nuits blanches, de Dostoïevski), le roman est aussi un hommage à la littérature: on pense parfois à Lewis Carroll car de nombreux chapitres se terminent sur des conversations entre le professeur Martin et des animaux qui viennent lui rendre visite et philosopher en sa compagnie: porcs-épics, renards, loups, grillons musiciens, et une inénarrable vache un peu anti-écolo… Certaines scènes sont réécrites selon des points de vie différents, évoquant le Raymond Queneau des Exercices de style.

Stefano Benni

Cette culture littéraire, jamais encombrante, pleinement assimilée, n’alourdit jamais le texte: musicien, Benni a le sens du crescendo et nous entraîne, vers la fin du livre, dans une fête populaire qui lui permet de donner toute la mesure de son humour, et de nous laisser une des plus belles scènes de bal (populaire) de toute la littérature: «Tout cela, me direz-vous, pendant la durée d’une seule valse? Oui, cela et autre chose, et la caresse de sa main sur ma hanche, l’ondoiement de sa chevelure qui, à chaque pas, s’éparpillait en une fugue blonde pour lui couvrir à nouveau le visage, la fièvre du vin sur ses joues, sa bouche que je n’avais jamais embrassée et toutes les bouches que j’avais embrassées, (…) et la musique qui montait jusqu’à la Grande Ourse, visible au-dessus de la fumée des stands, les brumes de la nuit et les souffrances des hommes.”

J’oubliais: le loup, à la fin, est un double de l’auteur. Ciao, Lupo !

Marguerite Pozzoli

(Arles)

De toutes les richesses, Achille au pied léger et La Compagnie des Célestins ont été publiés aux éditions Actes Sud et traduits par Marguerite Pozzoli. Blues en seize a été publié aux éditions Phi et traduit par Jean Portante.

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Présentation de l’éditeur:

STEFANO BENNI
DE TOUTES LES RICHESSES

(Di tutte le ricchezze – Feltrinelli)
Actes Sud Littérature
Lettres italiennes
Juin, 2014
Prix indicatif: 22€

Martin, un professeur d’âge mûr, poète et misanthrope, s’est retiré en compagnie de son fidèle écuyer, son chien Ombra, dans un village de montagne. Un village dont la tranquillité trompeuse cache peut-être de lourds secrets… Or, voilà qu’en face de sa maison s’installe un jeune couple de citadins, la blonde Michelle et Aldo, son compagnon. Tel le personnage des “Nuits blanches”, notre professeur se reprend à rêver, à attendre, à désirer. Entre lui et la ravissante Michelle naît un sentiment qui n’ose dire son nom, à la fois reflet d’un grand amour de jeunesse et signe que la vie, encore et toujours, recèle d’innombrables richesses. Et c’est au coeur d’une fête villageoise que, défiant l’âge, les préjugés et les mauvaises langues, Martin entraîne Michelle, et nous avec lui, dans une valse inoubliable, jouée par un accordéoniste de génie.

Mêlant avec virtuosité prose et poésie, rêve et réalité, légendes et satire contemporaine, humour et mélancolie, Stefano Benni propose un roman chatoyant et polyphonique, dans lequel l’automne d’une vie se pare de toutes les couleurs de la palette.

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*Les Rencontres de la Libreria – Mercredi 14 janvier 2015 à partir de 19h

LA LIBRERIA
89, rue du Fbg Poissonnière
75009 Paris
Tel + 33 1 40 22 06 94
La soirée se déroulera en italien et la traduction française sera assurée.

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Marguerite Pozzoli
Marguerite Pozzoli est née en Italie. Agrégée de Lettres modernes, elle a traduit une centaine de titres. Elle a dirigé pendant quelques années la collection “Lettres italiennes” pour les éditions Actes Sud. Parmi les auteurs traduits : P. P. Pasolini, A. M. Ortese, Roberto Saviano, Maurizio Maggiani, Giorgio Pressburger, Stefano Benni, Luigi Guarnieri, Valerio Magrelli, Marta Morazzoni... Membre d’ATLF, elle a siégé à la commission Littératures étrangères du CNL. Elle anime régulièrement des ateliers de traduction, occasions rêvées de faire toucher du doigt les dilemmes du traducteur, et découvrir, in fine, que le texte met à mal toutes les théories préétablies.

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