“Totò qui vécut deux fois” de Daniele Ciprì et Franco Maresco est à l’origine de l’abolition de la censure cinématographique en Italie, l’un des derniers pays de l’Union européenne à l’avoir pratiquée. Cette œuvre polémique, présentée en sélection officielle à Berlin en 1978 et interdite en Italie avant même sa sortie, sera en vente en France dès le 3 juillet 2013: un DVD E.D. Distribution.
Eddistribution: http://www.eddistribution.com
Prix environ 14€, en vente chez E.D. Distribution et en boutiques
1998 – Sicile – noir et blanc – 1h35
UN TRIPTYQUE FARFELU ET BLASPHEMATOIRE
Un obsédé sexuel qui est prêt à subir toutes sortes d’humiliations pour satisfaire ses envies et s’introduire dans la maison de la prostituée itinérante qui séjourne quelques jours dans le village, un vieil homosexuel qui aimerait assister à la veillée funèbre de son amant mais craint les foudres de sa belle-famille, un messie local errant dans la campagne, quelque peu enclin à prêcher et à faire des miracles. Tels sont les trois héros de ce film farfelu et grotesque.
“Ce film est une attaque contre le sacré, contre l’homme. Rien ne peut être coupé. Il s’agit d’un non message, inutile et pervers, totalement négatif” a déclaré l’un des censeurs. Ce à quoi les réalisateurs répondent : “Notre film est un film religieux avec un sens du sacré tout autre que le blasphème. Certes, notre messie est de Palerme, il n’a rien de traditionnel.”
LA CRITIQUE de Marie Sorel
Dès les premières images, film dans le film, projection d’un extrait gratiné du précédent opus du duo (« Lo Zio di Brooklyn » – « L’Oncle de Brooklyn qui sortira sur les écrans français le 3 juillet également) dans une salle de cinéma glauque, on entre dans l’univers iconoclaste et blasphématoire (bien qu’ils s’en défendent) de Daniele Cipri et Franco Maresco.
On se dit que « ça va décoiffe « .
Et ça décoiffe !
Ames sensibles s’abstenir !
Trois histoires, en forme de sketchs, sans lien apparent, sinon des miséreux qui se croisent, l’omniprésence du sexe et une joyeuse démythification des fondements de la foi chrétienne.
Personnages monstrueux, sortis tout droit d’un film de Pasolini ou de Bunuel.
Trognes hallucinantes de laissés pour compte, humiliés.
Bossus, estropiés, édentés, borgnes, obsédés sexuels de tout poil.
Galerie de freaks, masturbateurs abrutis, zoophiles, évoluant dans un univers crapoteux.
Des pissotières du cinéma aux masures grouillantes de rats, du cimetière enveloppé de vapeurs nocturnes dignes d’un film d’horreur en passant par la campagne sublimée par la lumière de longs plans larges fixes, un très beau noir et blanc renvoie aux classiques.
Esthétique surprenante et inattendue dans un film aussi impertinent et provocateur.
Les silences hurlent la misère de cette Italie du Sud livrée à l’obscurantisme religieux où dévotion et sexe sont si intimement liés et traités ici avec la même dérision.
Ordure et beauté antique, homophobie dans un univers masculin (même les rôles de femme sont tenus par des mâles repoussants), misère sexuelle, monde transgressif et amoral comme celui d’Emma Dante, palermitaine comme eux. Le dialecte palermitain si fleuri ajoute d’ailleurs au plaisir de la vision.
De l’abruti en mal de baise au messie injurieux en passant par l’homo veuf cupide,
l’existence de Dieu et les valeurs fondamentales sont balayées par un humour grinçant sacrilège.
Evangiles jouissivement mis à mal. On en redemande!
La crasse au service de l’impolitiquement correct, un film perturbant, original et étrange à voir sans tarder.
Et comme dit l’un des apôtres en conclusion d’une cène délirante :
« La fête est finie, mais on s’en est mis plein la panse ».
Marie SOREL
Bande annonce: http://vimeo.com/65055692