En marge de prestigieuses expositions qui drainent un public très large, les salles Mollien de l’aile Denon et les salles 20 à 23 de l’aile Sully sont vouées aux accrochages temporaires, de dessins pour les premières ou de collections privées pour les suivantes.
Claude DERUET (Nancy (?) vers 1588-Nancy 1660),
La bataille entre les Amazones et les Grecs
Huile sur toile. H. 0,89; L. 1,15
Don Héléna et Guy Motais de Narbonne au musée du Louvre
© 2009 Musée du Louvre / Pierre Ballif
A SULLY
La collection Motais de Narbonne
Tableaux français et italiens des XVIIe et XVIIIe siècles
propose une quarantaine d’œuvres (inédites pour beaucoup) patiemment accumulées par un couple passionné, amateur de sujets religieux ou historiques. Ils ont fait don au musée de deux tableaux que les conservateurs ont pu choisir eux-mêmes (on notera l’élégance du geste) dans leur collection très cohérente.
Outre le Deruet, un très lumineux tableau de Domenico Maria Viani, absent jusqu’ici des collections,
Domenico Maria VIANI (Bologne 1668-Pistoia 1711),
Le retour du fils prodigue
Cuivre. H. 0,453; L. 0,590
Don Héléna et Guy Motais de Narbonne au musée du Louvre
© 2009 Musée du Louvre / Pierre Ballif
va enrichir le fonds de peinture ancienne du Louvre.
Le sujet de la parabole évangélique, fort présent dans la peinture bolonaise de l’époque (de Carrache au Guerchin), peut être compris comme une leçon de morale envers les jeunes gens qui auraient l’intention de dilapider le patrimoine familial.
Aux cotés des français, les maîtres italiens sont représentés dans ce petit espace : Guerchin, Giordano, Tempesta, Rosi, Creti, Bota.
Une peinture au magnifique clair obscur caravagesque
Francesco CAIRO (Milan 1607-Milan 1665),
David vainqueur de Goliath
Huile sur bois. H. 0,492; L. 0,382
Collection Héléna et Guy Motais de Narbonne
© 2009 Musée du Louvre / Pierre Ballif
dans laquelle le héros est portraituré coiffé d’un invraisemblable couvre-chef aux plumes aériennes, côtoie une scène d’une charmante intimité à la Corrège
Gregorio DE FERRARI (Porto Maurizio 1647-
Gênes 1726),
Le repos pendant la fuite en Egypte
Huile sur toile. H. 0,987; L. 0,750
Collection Héléna et Guy Motais de Narbonne
© 2009 Musée du Louvre / Pierre Ballif
preuve de l’éclectisme des généreux donateurs.
A DENON – salles Mollien
Les expositions de dessins attirent un public érudit, qui vénère cet art qui touche au plus intime et sensible de l’artiste. Esquisses, travaux préparatoires, dessins de présentation, disegni finiti, le fonds du musée ne compte pas moins de 140 000 feuilles qui sont avaricieusement exposées en raison de leur fragilité et dont bien sûr la plupart sont attribuées aux plus grands artistes italiens.
Toussaint DUBREUIL,
Guerrier antique (Mars ?) et son serviteur
Sanguine. Encadrement : plume et encre brune, lavis brun, rehauts de gouache blanche et d’or, mise en place à la pierre noire. Signé à la sanguine sur la base de la colonne T. DVBRVEIL, et en dessous T. Du Brueil. H. 55 ; L. 38,5 cm.
Musée du Louvre © RMN / Michèle Bellot
Dominique Cordellier, conservateur en chef au Département des Arts graphiques, grand spécialiste de l’art français et italien de la Renaissance et du maniérisme, commissaire d’expositions consacrées entre autres à Andréa del Sarto, Raphaël, Pisanello, Primatice, auteur de nombreux ouvrages, a réalisé un remarquable accrochage des oeuvres de celui qu’il qualifie de Malherbe de la peinture. Il dévoile l’inestimable empreinte des Italiens sur un artiste méconnu bien que primordial :
Toussaint Dubreuil
Toussaint DUBREUIL,
Hyante et Climène offrent un sacrifice à Vénus
Huile sur toile, H. 190 ; L. 140 cm
Musée du Louvre © RMN / Jean-Gilles Berizzi
Etrange destinée que celle de ce fils de sellier emporté par une mortelle chevauchée à brides abattues en 1602 alors qu’il n’était âgé que de 41 ou 44 ans.
Formé par Fréminet, un «barbouilleur» peintre de canevas, rien ne le destinait au succès ni à devenir Peintre du roi sous Henri IV.
Ses premiers projets pour les reliefs de la masse de l’ordre du Saint Esprit, à la plume sur parchemin, manquent d’audace et d’éclat.
François II DUJARDIN,
Masse de l’ancien trésor de l’Ordre du Saint Esprit. Argent doré. Musée du Louvre
© RMN / Les Frères Chuzeville
Il étudie l’anatomie avec un barbier, illustre «l’Historia anatomica humani corporis» d’André Du Laurens
Toussaint DUBREUIL,
Frontispice pour l’Historia anatomica humani corporis
Plume et encre brune, lavis beige et brun, traces de gouache blanche oxydées, mise en place et mise au carreau à la pierre noire, papier beige, filigrané. H. 36,4 ; L. 26,4 cm.
Musée du Louvre © RMN / Thierry Le Mage
et s’abandonne à une surprenante «manie du muscle». Il devient le spécialiste du nu.
Toussaint DUBREUIL,
Guerrier antique, nu, debout, une cape sur les épaules
Plume et encre noire, mise en place à la sanguine. Dessin au verso visible par transparence. H. 29,4 ; L. 18,9 cm.
Musée du Louvre
© RMN / Jean-Gilles Berizzi
Les décors des demeures royales lui sont confiés (Fontainebleau, Saint-Germain-en-Laye, le Louvre). Considérés comme les plus beaux d’Europe, ils ont malheureusement tous disparu, tel son décor de la Petite Galerie du Louvre parti en fumée en 1661, et ses travaux les plus importants ont été perdus.
Toussaint DUBREUIL,
Projet de plafond avec l’histoire de Prométhée
Plume et encre brune, lavis brun, rehauts d’aquarelle, de gouache blanche et d’or, mise en place à la pierre noire, papier beige.
Papier filigrané. H. 40,6 ; L. 46,6 cm.
Musée du Louvre © RMN / Jean-Gilles Berizzi
C’est à Fontainebleau où il commence par entretenir les décors de Primatice, qu’il acquiert une culture émilienne, au contact de Ruggiero de’Ruggieri, héritier de l’atelier de Primatice qui possédait deux caisses de rittratti de Michel-Ange.
On peut penser que Dubreuil, marié à la fille de Ruggieri ou à une de ses parentes, a pu examiner à loisir ces pages qui l’ont inspiré.
Toussaint DUBREUIL,
Une famille de bergers avec une chèvre et un chien
Plume et encre brune, mise en place à la pierre noire. H. 46,8 ; L. 36,1 cm.
Musée du Louvre © RMN / Jean-Gilles Berizzi
Il fait passer le dessin à l’échelle de la peinture.
Toussaint DUBREUIL,
Le Christ bénissant. Plume et encre brune, mise en place à la pierre noire.
H. 40,5 ; L. 27 cm. Musée du Louvre
© RMN / Jean-Gilles Berizzi
A-t-il, comme ses pairs, voyagé en Italie (pas de trace de lui entre 1585 et 1593) ?
Sa manière devient énergique, habile et puissante.
Toussaint DUBREUIL,
Hercule délivrant Prométhée
Plume et encre brune, mise en place à la pierre noire, papier lavé beige, filigrané. H. 53,4 ; L. 38,3 cm.
Musée du Louvre © RMN / Michèle Bellot
L’influence des maniéristes, Michel-Ange, Tibaldi, Passerotti, Nicolo dell’Abate, Primatice, exalte son style.
Ses contemporains qui l’estiment «singulier en son art» l’apprécient pour ses «beaux tableaux» et pour son talent «d’inventer et peindre ensamble».
Toussaint DUBREUIL,
Hyante coupant des herbes magiques
Plume et encre brune, lavis brun et beige, mise en place à la pierre noire, rehauts de gouache blanche. Papier filigrané.
H. 21,9 ; L. 37,2 cm. Musée du Louvre
© RMN / Jean-Gilles Berizzi
Il s’impose comme l’initiateur de la seconde école de Fontainebleau. Héritier des grands Italiens, il ouvre la voie au classicisme français.
Toussaint DUBREUIL,
Angélique et Médor
Huile sur toile, H. 145 ; L. 199 cm
Musée du Louvre © RMN / Jean-Gilles Berizzi
Marie Sorel