Ce film d’Ivano De Matteo est l’histoire d’une intégration non réussie, mieux, de comment les bonnes idées libérales et démocratiques se heurtent à la réalité… Il met en évidence la difficulté que nous avons tous à passer des idées à leur application concrète. Ce film nous met mal à l’aise. C’est un acte toutefois nécessaire pour éveiller nos consciences et nous montrer les dangers du mythe de la bonne action rédemptrice.
Filmé d’une manière “claustrophobique” qui met en évidence le manque de perspectives et de changements de point de vue, ce récit filmique privilégie la mise en abîme des personnages et des situations à travers l’insistance sur l’intérieur vu en tant qu’espace clos – la maison la chambre, la voiture – et l’espace public – la piscine, la rue, le petit village.
La bella gente décrit l’histoire d’un couple bobo dans son quotidien et se sert du regard de Susanna (Monica Guerritore, splendide et envoûtante). Les principaux protagonistes sont un couple qui a tout pour être heureux et vivre bien (ils font même encore l’amour…). Ils ont un fils, jeune, égoïste et insolent ( Elio Germano, absolument fantastique), des voisins un peu bornés mais agréables et ils passent d’heureux moments de vacances à la campagne près d’ Orvieto, en Ombrie.
L’idée de l’insertion d’une réalité différente, celle d’une jeune prostituée de l’Est dans ce cas particulier, au sein d’une famille ordinaire n’est pas très originale (Pretty woman en est l’exemple le plus célèbre). Mais ce qui est novateur, à notre avis, c’est l’idée d’avoir voulu raconter une histoire ordinaire d’une façon chorale en adoptant un point de vue essentiellement féminin… Cette approche est assez rare dans le cinéma italien contemporain.
Le metteur en scène, Ivano De Matteo, a voulu montrer comment les idéaux d’égalité et d’opportunité des chances restent des idéaux et ne peuvent pas se concrétiser et comment les préjugés restent ancrés dans nos actes au quotidien. Pas de conte de fée hollywoodien mais une fresque réaliste et sans fard de la société italienne ou mieux occidentale, dans toute son hypocrisie. C’est pour cette raison que ce film a obtenu de nombreux Prix en France ( Grand Prix au Festival d’Annecy 2009, mention spéciale du Jury au Festival de Villerupt, Prix du public à Tremblay-en-France).
Un film, comme l’a dit le producteur Conversi, assez dérageant mais nécessaire. A voir absolument.
Chantal Dubois
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* Synopsis : Alfredo est un architecte, Susanna, psychologue. Des gens cultivés aux idées larges, des cinquantenaires à l’allure juvénile et au regard intelligent. Ils vivent à Rome mais passent leur week-end et une partie de l’été à la campagne. Un jour, allant au village, Susanna est choquée de voir une jeune prostituée humiliée et frappée par un homme. En un instant, elle décide de sauver cette jeune fille. Pour sauver ses propres idéaux. Mais une jeune étrangère qui fait la pute peut-elle devenir autre chose ? Et une famille qui a toujours vécu l’aisance peut-elle risquer de mettre en danger tout ce qu’elle a construit pour respecter ses convictions ?
La Bella gente
Réalisation Ivano De Matteo
Genre : drame
Année/durée : 2009 – 98’
Scénario : Valentina Ferlan
Photo : Duccio Cimatti
Montage : Marco Spoletino
Musique : Francesco Cerasi
Décors : Luca Servino
Costumes : Loredana Buscemi
Interprétation Monica Guerritore, Antonio Catania, Victoria Larchenko, Iaia Forte, Giorgio Gobbi, Miryam Catania, Elio Germano
Distribution française : Bellissima Films