Exposition présentée par le Sénat au Musée du Luxembourg, du 25 mars au 2 août 2009, à Paris, dans le 6e arrondissement.
Située en Toscane, à 15km au nord de Florence, la ville de Prato connaît un essor économique considérable du milieu du XIVe au début du XVe siècle, avant de tomber, conquise par les troupes des Médicis, sous la domination de sa rivale Florence.
Les Lippi, père et fils, n’ont pas été les seuls artistes sollicités par les riches commerçants et les édiles de Prato. Soucieux de donner de l’éclat à leur ville ils firent venir les plus grands artistes florentins, Agnolo Gaddi, Paolo Uccello, Donatello, Andrea della Robbia, pour embellir de fresques, de retables, de tabernacles, les principaux édifices de la ville. Des exemples, dans l’exposition, illustrent leur présence à Prato.
Ce sont ainsi toutes les nouveautés élaborées chez leur prestigieuse voisine, Florence, qui vont trouver leur application à Prato, abandon du fond d’or, attention à la lumière, utilisation de la perspective géométrique pour simuler un espace réel qui puisse désormais servir de cadre à des personnages traités avec davantage de naturalisme.
Pour preuve, les fresques exécutées par Filippo Lippi dans la cathédrale de Prato, un chef-d’oeuvre : au banquet d’Hérode, une envoûtante Salomé danse devant les convives médusés. Elle préfigure les silhouettes graciles et aériennes des sylphides de Botticelli qui fut son meilleur élève. Hélas, les fresques sont à Prato et ne se démontent pas ! Il faut donc se contenter, dans l’exposition, des retables peints par Lippi et son important atelier (Fra Diamante, Domenico di Zanobi…) durant l’hiver, saison impropre à l’exécution de peintures sur enduit frais.
Trois splendides retables témoignent de ce travail d’atelier, une Présentation au Temple pour l’église des Servites, une Nativité pour l’église des Dominicains, et le retable de l’église du couvent Sainte Marguerite, La Vierge à la ceinture, où l’on croit reconnaître dans la figure de sainte Marguerite les traits de Lucrezia, la petite religieuse dont Fra Filippo s’était épris. Un visage d’une douceur ineffable, des yeux de miel, un front serein, c’est le même visage que celui de la Vierge à l’Enfant avec deux anges, conservée aux Offices et surnommée la Lippina.
Cette dimension sentimentale, un goût prononcé pour le naturalisme des paysages sont la contribution de ce peintre à l’épanouissement de l’art au Quattrocento. Lui-même s’était nourri, durant sa jeunesse, des fresques exécutées par Masolino et Masaccio à la chapelle Brancacci de Santa Maria del Carmine à Florence et avait parfaitement assimilé la leçon de Masaccio.
Mais imaginez le scandale ! Un carme amoureux d’une sœur augustine qui fait le mur pour le rejoindre! Cette histoire aurait pu très mal finir si Côme l’Ancien, inconditionnel de l’artiste, n’était intervenu pour que les deux tourtereaux puissent roucouler en paix autour du berceau du petit Filippino qui sera artiste, comme papa.
De Filippino, deux œuvres seulement sont présentées, une Mise au tombeau, au sentiment religieux intense, encore très marquée par la personnalité du père et un retable, La Vierge et l’Enfant entre saint Etienne et saint Jean-Baptiste, exécuté pour le Palais Municipal de Prato, où l’inflexion maniériste se fait déjà sentir.
Dans la dernière salle de l’exposition, des œuvres de dévotion privée, retables et tondi, dans un style provincial souvent maladroit, signalent le déclin de cette ville au cours du XVIè siècle. Etait-ce nécessaire d’en rendre compte ?
Catherine LEBLANC