Revers cinglant pour la droite italienne aux élections municipales et régionales des 29 et 30 mai 2011. Toutes les villes du Nord tournent le dos au “cavaliere”. La victoire la plus importante pour l’opposition est celle de la ville de Milan, le fief de Silvio Berlusconi. Voici revenir les “rouges” et s’affirmer de nouveaux personnages politiques de gauche comme Giuliano Pisapia, maire de Milan, et Luigi De Magistris, à Naples. Pour Berlusconi est-ce le début de la fin ?
Dimanche dernier, au matin du vote, le quotidien de la gauche critique italienne, Il Manifesto, faisait ce titre génial : «Forza Italia !» («Allez l’Italie !») Avec le sous-titre : «tous aux urnes !». Le lendemain, devant les résultats, il exhulte ! La gauche de gauche, la vraie, tout ce qui compte à la gauche du pâle Parti démocrate vient de remporter avec 59,4 % des voix Cagliari (capitale de la Sardaigne), et surtout Milan et Naples.
Dans la capitale du Mezzogiorno, rongée par les ordures et le crime organisé, la précarité et le chômage, le candidat de la gauche, Luigi De Magistris, juge anti-corruption, emmenant une liste très fortement marquée à gauche, bat à plats de couture le candidat berlusconien, sur lequel repose de fortes présomptions de liens étroits avec la camorra, la mafia locale. Avec plus de 65% des voix, la gauche l’emporte si fortement que l’on peut prévoir que Naples sera pour les cinq ans à venir une des municipalités parmi les plus «rouge» d’Europe. La liste du futur maire rassemble en effet militants associatifs précaires, militants radicaux des centres sociaux (mouvement des squatts), les mouvements anti-mafia, nombre d’écologistes, sachant que dans le sud, vouloir sauvegarder l’environnement est synonyme de lutte contre le crime organisé.
Comme à Cagliari, frappée des mêmes maux, c’est donc d’un vote contre la corruption et pour un «bon gouvernement» dans cette ville symbole de ce sud mal administré, délaissé par l’Etat, et longtemps réserve de voix pour la droite mais qui penche désormais de plus en plus à gauche. Le challenge sera toutefois grand pour les militants élus, sans expérience bien souvent, même si le vrai raz-de-marée à gauche leur donne une écrasante majorité pour gouverner la cité.
Autre victoire nette, avec des scores extrêmement élevés également, celle de la gauche à Milan. Là encore, la vraie. Et dans la propre ville du Cavaliere, symbole du berlusconisme (non plus) triomphant. Avec un candidat honni par la droite, Giuliano Pisapia, ancien avocat défendant les militants durant les années de plomb, jadis apparenté à Rifondazione, et une liste réunissant là encore beaucoup des forces militantes de la cité.
C’est là un véritable séisme pour Silvio Berlusconi, personnellement très engagé dans une campagne où les slogans racistes ont pullulé, qui ne manquera pas d’avoir des répercussions au niveau national, sa majorité apparaissant de plus en plus fragile. Le président du Conseil avait en effet lui-même déclaré l’élection à Milan un «test national». Le vote des Milanais lui est donc très directement adressé. Tout comme celui d’une bonne majorité des six millions d’électeurs (1/6 du corps électoral national) appelés à remplacer l’administration de leurs villes et de certaines provinces.
Le système-Berlusconi semble donc touché au cœur. La suite dira s’il parviendra à se maintenir en place.
Olivier Doubre