Mise à jour mai 2014: Projet Dans l’Oeil de Naples » à Lyon
Ma démarche photographique consiste à saisir une impression quand celle-ci est réelle – c’est-à-dire sans chercher à la provoquer ou à l’inventer – et à la traduire en langage photographique afin de la transmettre. J’ai découvert Naples en 2007, lors d’un premier voyage touristique, puis j’y suis retourné en 2008. Parcourir ses rues revient à tourner les pages d’un conte, un conte des contes à ciel ouvert, et à se laisser enchanter, menacer, effrayer, surprendre.
La cité parthénopéenne est née d’un mythe et cette dimension, entretenue par une tenace ferveur populaire, a accompagné son histoire. Du pavé vésuvien, des murs de tuf, du mobilier urbain, transpire un monde parallèle constitué d’une multitude d’entités dont l’existence est venue se superposer aux Napolitains. Ce peuple de l’imaginaire, constamment renouvelé par les apports extérieurs et protégé par les Napolitains eux-mêmes de toute inquisition, est devenu une identité possible de la ville. Au-delà de son aspect symbolique, cette présence est la marque, singulière et ancrée, d’une classe populaire qui a su se maintenir en son centre-ville. Et ce recours à une croyance protéiforme – que se soit le culte de Saint Janvier ou dans un autre domaine ceux de la Camorra ou de Maradona – peut aussi se lire comme un témoignage historique sur les fléaux, qu’ils soient politiques ou naturels, qui ont jalonné l’histoire de la cité. Naples entretient cette dualité imaginaire/réalité comme un double visage qu’il faudrait superposer pour se rapprocher des contours nets de la ville. Le principe même de la visée télémétrique.
Dans l’œil de Naples cherche à témoigner de l’imbrication de ces deux mondes, du réel et du fantasme, de ce jeu de miroirs, et à montrer comment, peu à peu, ils imprègnent le regard du photographe étranger jusqu’à en modifier sa perception. La juxtaposition de deux tee-shirts dans une vitrine, l’un illustré d’une tête de mort et l’autre d’un dollar, figures courantes de la mode actuelle, frappe et renvoie ici au message primaire de la Camorra. La présence d’un sigle d’orientation dans le quartier de « la Sanità » donne la sensation de pénétrer un cercle d’initiés à une pratique magique. Un simple phare de voiture sortant d’une bâche est perçu comme la présence du malocchio, cet œil aux consonances variées qui pose sur nos pas tout le poids de son regard.
Gustav Herling, écrivain polonais en exil à Naples, a écrit un conte intitulé «L’Œil de la providence» qui évoque la vie d’un noble anglais venu dépenser ses rentes sur les hauteurs du Pausilippe, une vie perturbée par un tableau dont le nom donne le titre au texte.
Herling y évoque autant la présence et les expressions de ce regard que son influence sur son propriétaire qui, au final, est celui qui regarde: «L’Œil de la Providence changeait d’expression selon l’angle sous lequel on le regardait. Sévère et menaçant; méchant et courroucé; serein et bienveillant; ensommeillé et indifférent; morne et éteint. Una vera diavoleria, a dit Malcom, de nouveau avec ce rire bref dans lequel résonnait une note étrange, sourde et indéfinissable.»
Raffaele La Capria, écrivain italien originaire de Naples, cite ces mots de Machado qui relève cette même relation singulière qui lie le regard de l’étranger à la cité parthénopéenne, cette intrusion de la ville dans le regard du visiteur:
«L’occhio che tu vedi non e/occhio perché tu lo veda./É occhio perché ti vede.» («L’œil que tu vois n’est pas œil parce que tu le vois, il est œil parce qu’il te voit.»)
L’œil de Naples se veut l’illustration de cette conversation de regards.
Cédric Vigneault
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Sa première approche photographique a été essentiellement esthétique : lycéen puis étudiant, il admirait Doisneau, Cartier-Bresson, ou Weiss. Il a donc essayé de marcher dans les pas de la photographie humaniste avec la volonté de révéler aux gens de la rue leur dimension poétique. Mais les temps avaient changé. Le rapport du quidam au photographe, curieux et complice à une époque, se muait de plus en plus, à tort ou à raison, en méfiance, voire en agressivité.
Il s’est donc tourné vers d’autres objectifs — les manifestations, le graphisme des villes, le jeu des ombres et des faces anonymes—, et d’autres photographes — Ackermann, Sluban, Favreau, Ueda. L’étymologie du mot photographie s’est imposée à lui : l’appareil est devenu son stylo, la lumière son encre et la photographie son moyen d’expression.
Depuis, il raconte des histoires, des lieux. L’idée est de rester curieux à l’inconnu, que ce soit une ville, des personnes, une ambiance ; de se laisser envahir par cet inconnu et de tenter d’en retranscrire une impression pour, au final, la partager.
MEP_Napoli4basdef.pdf
Projet photographique « Dans l’œil de Naples » à télécharger.
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Il mio metodo fotografico è il seguente : scelgo un’impressione quando è reale – cioè senza cercare di provocarla o d’inventarla – e poi la traduco in un linguaggio fotografico nell’intento di trasmetterla.
Ho scoperto Napoli nel 2007, in occasione di un viaggio turistico; ci sono poi ritornato nel 2008. Percorrere le sue strade è come girare le pagine di un racconto, il racconto dei racconti a cielo aperto, lasciandosi incantare, minacciare, spaventare, sorprendere.
La città partenopea è nata da un mito e questa dimensione, mantenuta viva da un tenace fervore popolare, ha accompagnato la sua storia. Dalle strade in pietra lavica, dai muri di tufo, dall’arredo urbano transpira un mondo parallelo costituito d’una moltitudine d’identità la cui esistenza si è sovrapposta ai napoletani. Questo popolo dell’immaginario, costantemente rinnovato dai contributi esterni e protetto dai napoletani stessi da qualsiasi inquisizione, è diventato un’identità possibile della città. Aldilà del suo aspetto simbolico, questa presenza è il segno, singolare e radicato, di una classe popolare che ha saputo resistere nel suo centro città. E questo ricorso ad una credenza proteiforme – che sia il culto di San Gennaro o in un altro ambito quelli della Camorra e di Maradona – si puo’ anche leggere come una testimonianza storica dei flagelli, politici o naturali, che hanno costellato la storia della città. Napoli mantiene questa dualità immaginario/realtà come un doppio volto che bisognerebbe sovrapporre per avvicinarsi ai contorni netti della città. Il principio stesso della mira telemetrica.
Nell’occhio di Napoli ho cercato di testimoniare l’intrecciarsi di questi due mondi, il reale e l’onirico, di questo gioco di specchi, mostrando come, poco a poco, impegnino lo sguardo del fotografo straniero fino a modificarne la percezione. L’accostamento di due magliette in una vetrina – una raffigurante une testa di morto e l’altra un dollaro, figure ricorrenti della moda attuale – colpiscono e rinviano qui a un messaggio primario della Camorra. La presenza d’un segno d’orientamento nel quartiere Sanità da’ la sensazione di penetrare nella cerchia d’iniziati ad una pratica magica. Un semplice faro di macchina che esce da un telone è percepito come la presenza del malocchio, questo occhio dalle consonanze variabili che posa sui nostri passi tutto il peso del suo sguardo.
Gustav Herling, scrittore polacco in esilio a Napoli, ha scritto un racconto intitolato “L’occhio della provvidenza” che racconta la vita di un nobile inglese venuto a sperperare le sue rendite sulle colline di Posilippo, una vita perturbata da un quardo il cui nome da il titolo al testo. Herling vi evoca sia la presenza e le espressioni di questo sguardo che la sua influenza sul suo proprietario che, alla fine, è colui che guarda: “L’occhio della Provvidenza cambiava d’espressione secondo l’angolo sotto il quale lo si guardava. Severo e minaccioso; cattivo e corrucciato; sereno e benevolo; assonnato e indifferente; cupo e spento. Una vera diavoleria, ha detto Malcom, di nuovo con quel sorriso breve nel quale risuonava una nota strana, sorda e indefinibile”.
Raffaele La Capria, uno scrittore italiano originario di Napoli, cita queste parole di Machado che rileva questa stessa relazione particolare che unisce lo sguardo dello straniero alla città partenopea, questra intrusione della città nello sguardo del visitatore:
“L’occhio che tu vedi non è/occhio perché tu lo veda./ E’ occhio perché ti vede.”
Nell’occhio di Napoli vuole essere l’illustrazione di questa conversazione con lo sguardo.
Cédric Vigneault
(traduzione di Barbara Musetti)
MEP_Napoli4basdef.pdf
Progetto fotografico « Nell’occhio di Napoli » da scaricare.