On pensait ne plus les voir passer devant la place Saint-Marc mais les maxi bateaux de croisière sont à nouveau là après 17 mois d’interruption pour cause de pandémie. Selon une loi du 12 mai 2021, ceux-ci doivent accoster à l’extérieur de la lagune. Mais seulement lorsqu’un terminal pour les accueillir sera construit et cela prendra des années… Pendant la période transitoire, les géants des mers continueront à passer par Venise mettant en péril ce joyau historique et culturel, patrimoine de l’humanité et le fragile écosystème de sa lagune.
Le comité No grandi navi [Non aux grands navires] a à nouveau appelé à manifester en début d’après-midi samedi 5 juin avant le départ du paquebot norvégien MSC Orchestra. Ce dernier n’était autorisé à embarquer au total que la moitié de sa capacité de 3.000 passagers, pour respecter les mesures anti-Covid. Il doit faire étape à Bari, Corfou, Mykonos et Dubrovnik.
De nombreux manifestants brandissant des banderoles “Non aux navires de croisière” ont crié leur opposition sur les quais et à bord de petites embarcations à moteur. De leur côté, les partisans des bateaux de croisière, réunis au sein du mouvement “Venise travaille”, mettent en avant les nombreux emplois que leur présence génèrent pour Venise, dont l’économie vit essentiellement du tourisme. «En un an, le secteur a perdu un nombre énorme de passagers, environ 800.000, ce qui signifie pour l’économie une perte d’environ 1 milliard d’euros», a commenté pour l’AFP Francesco Galietti, dirigeant de l’Association internationale des Compagnies de Croisières
Ce mardi, une pléthore d’artistes internationaux, de Mick Jagger à Wes Anderson en passant par Francis Ford Coppola et Tilda Swinton, ont ainsi adressé une lettre ouverte au président italien Sergio Mattarella, au Premier ministre Mario Draghi et au maire de Venise pour demander entre autres un arrêt définitif de la circulation des navires de croisière. Cette lettre intitulée “Un décalogue pour Venise”, également signée par l’ex-ministre française de la Culture Françoise Nyssen, demande une meilleure gestion des flux touristiques, la protection de l’écosystème de la lagune et la lutte contre la spéculation immobilière, pour protéger “l’intégrité physique mais aussi l’identité culturelle” de la Cité des Doges.
Voici un résumé de quelques explications complémentaires que donne radio ‘ICI Venise’ sur Spotify et quelques photos © Philippe Apatie, photographe français résidant à Venise.
« Le 5 juin 2021 à Venise, le maxi paquebot de tourisme MSC Orchestra a effectué l’ouverture de la saison des croisières sur les eaux de la lagune de Venise. Tout un symbole un 5 juin, Journée Mondiale de l’Environnement, dans un site classé par l’Unesco patrimoine mondial de l’Humanité. Parti de la gare maritime de Venise vers 16h30, il a longé le centre historique par le canal de la Giudecca avant de s’aligner sur le bassin de Saint Marc devant le Palais des Doges et le campanile de la Basilique, Piazza San Marco. Il a poursuivi sa trajectoire, longeant la rive, les jardins de la Biennale, le quartier de Sant’Elena pour se diriger vers la porte sur l’Adriatique à la passe du Lido.
Colère et stupeur pour les défenseurs de la cité lagunaire et de l’environnement. Satisfaction des édiles locaux et des opérateurs du Port de Venise qui craignent les pertes économiques qu’entraineraient selon eux l’éloignement des géants des croisières de la lagune.
Il y a deux mois, la balance semblait pencher du côté des « No Grandi Navi » quand les réseaux sociaux et les grands médias nationaux et internationaux avaient annoncé de manière inexacte l’interdiction des « Grandi Navi » à Venise.
Le soufflé a mis peu de temps à retomber. C’est fait désormais et satisfaits ou dépités, il faut s’y faire : on n’a pas fini de voir passer les grands navires de croisière devant la fragile Venise. Ni de respirer les effluves toxiques que leurs cheminées répandent généreusement sur la ville, ses monuments, ses habitants et ses visiteurs… un parfum de pétrole lourd qu’on avait un peu oublié ces derniers mois. Le reste, c’est un sujet inépuisable de conversations et de controverses, un bon exemple du temps interminable des décisions qui ne sont pas suivies d’effets.»
(photos du portfolio à agrandir de Philippe Apatie)