1918 année du centenaire de la fin de la Grande Guerre. A cette occasion, la Mairie du IXe arrondissement de Paris et le journaliste et écrivain Alberto Toscano vous invitent à voyager dans le temps, à travers une exposition de quelque 240 Unes de journaux d’époque présentées sous verre. Un témoignage rare et passionnant. Du lundi 8 janvier au samedi 3 février.
Hume donc ces journaux… On sent encore le parfum de l’encre.
Palpe ces vieux papiers… Certains donnent l’impression d’être de la soie, d’autres des sacs de café.
Regarde l’efficacité des titres… Comme ils sont expressifs! Et la densité des caractères, pour faire entrer tout un article en si peu de place.
Et les dessins, les photos… Quelle merveille que de pouvoir s’attarder sur des images d’il y a un siècle exactement (déjà!).
Il y a des passions qui accompagnent toute une vie … comme celle d’Alberto Toscano, journaliste et collectionneur de journaux anciens. Il en possède aujourd’hui entre 70 000 et 100 000 exemplaires (de 1765 à 1965), dont certains très rares et a, entre autres, dans sa collection tous les numéros de «L’Illustration» de 1833 à 1944, journal de première qualité, tant pour le papier que pour les images et bien sûr les articles.
C’est ainsi que Toscano a pu préparer cette exposition passionnante et pédagogique qui trace, en 240 Unes de journaux d’époque (tous originaux), logés dans les cinq salles des salons Aguado de la Mairie du 9e (au fond de la cour), les faits marquants de l’année de la Victoire.
«L’Excelsior», «L’Illustration», «Le Petit Journal» (fils hebdomadaire du «Journal», qui tirait à plus d’un million d’exemplaires), «Le Temps» (ancêtre du journal «Le Monde»), «Le Figaro», «L’Echo de Paris», «Le Petit Parisien» (qui n’a rien à voir avec «Le Parisien» d’aujourd’hui … ce dernier ayant dépêché ce lundi d’inauguration Philippe Baverel pour couvrir l’évènement), «Le Miroir» (journal populaire, dont on peut voir bien 70 numéros) … mais également des journaux allemands, anglais («The Times»), américains («The New York Times»), belges et italiens («Corriere della Sera» et «Domenica del Corriere») … sans oublier une première page du «Canard Enchaîné» de 1918 sur la Révolution Bolchévique!
Dès l’entrée, «L’Excelsior» nous montre l’image de l’empereur Guillaume II, inquiet de l’entrée en guerre des Etats-Unis (les Américains avaient déclaré la guerre en 1917, mais les troupes n’arrivèrent massivement en France qu’au début de 1918).
Et le reste de la salle de relater les difficultés de la société française, qui vivait au rythme de la guerre: les blessés et les prisonniers, les bombes, les tickets de pain, les emprunts de guerre, le scandale Bolle (qui avait acheté un journal, grâce à des fonds allemands, pour promouvoir le «pacifisme» – il sera ensuite jugé et condamné) … mais également la grippe espagnole, qui fit plus de 400 000 morts en France, sans qu’on en parle trop, pour ne pas démoraliser la population. L’écrivain Edmond Rostand est l’une des célèbres victimes de la pandémie (L’Illustration du 7 décembre 1918).
La deuxième salle propose les fronts de la guerre: sur le sol français d’abord, mais également le front italien contre les Autrichiens, au-delà de la rivière Piave («il Piave mormoro’ : non passa lo straniero !» comme le dit la chanson des alpins italiens) ou bien celui du Moyen-Orient, qui voit engagés les Britanniques contre les Turcs.
Et, après l’armistice du 11 novembre la guerre continuera en Sibérie, où les forces américaines, canadiennes, françaises, japonaises, italiennes et tchécoslovaques se battront contre les Bolchéviques pour soutenir les «Armées blanches» de Russie … Il semblerait que le tsar et sa famille aient été exécutés pour éviter leur libération par ces forces antisoviétiques, arrivées trop près d’Ekaterinburg.
Mais revenons en France : dès le début de 1918, les Parisiens sont terrorisés par les bombardements des Allemands, qui utilisaient leur Berta (placée à 60 km de distance seulement), les avions ou les dirigeables pour larguer des bombes, qui ont particulièrement détruit le 9e arrondissement (il reste des traces au siège du Crédit Lyonnais, tout proche de la Mairie) … et «L’Excelsior» du 25 mai 1918 montre une photo d’une torpille grandeur nature d’un raid aérien allemand sur Paris, tout comme le siège du journal dévasté, mais toujours capable de publier (chapeau bas !).
Le tableau complet des bombardements de l’année 1918 sur Paris et sa banlieue a été publié par «L’Illustration» dans son premier numéro de 1919 et il est présenté au sein de cette exposition.
La salle dédiée à la Russie Bolchévique, de Lénine et Trotski, montre bien toute l’attention de la presse internationale pour les négociations de Brest-Litovsk, commencées en 1917 et signées le 3 mars 1918, qui aboutirent à la sortie de la Russie de la première guerre mondiale, … et la presse française de les accuser de trahison et complicité avec l’ennemi.
Celle consacrée à l’engagement des Américains nous fait découvrir, entre autres, les premières tombes des soldats d’outre Atlantique morts sur le sol français, et les navires qui ramènent les troupes à la maison, après la fin de la guerre.
Mais, enfin, l’heure de la joie étant arrivée, «Le Temps» du 2 novembre se pose la question «Où signera-t-on la paix?», avant que «L’Illustration» publie un numéro spécial avec la silhouette de la cathédrale de Strasbourg, par le même Hansi qui avait peint son Alsace natale avant et après sa libération éphémère (les deux dessins Un village d’Alsace le 4 août 1914 et Le même village le 10 août 1918 sont également exposés) … La presse les a réutilisés pour monter la grisaille de l’occupation allemande par rapport à la joie de la liberté retrouvée.
Sans oublier «Le Figaro» ou «L’Echo de Paris» qui témoignent de l’agitation révolutionnaire en Allemagne après la fin des hostilités, voire «L’Excelsior» qui salue la souveraineté retrouvée de la Belgique. Par contre «The Times», au style toujours très sobre, annonce le 12 novembre la fin de la guerre d’un simple communiqué!
Et l’année se termine par le défilé à Paris des principaux dirigeants alliés: le Roi Georges V, accompagné des deux princes David et Albert; le Roi Vittorio Emmanuele III et le jeune prince Umberto, accompagnés du général Armando Diaz (qui avait remplacé le général Cadorna après la défaite de Caporetto en octobre 1917), sans oublier l’annonce de la rue dédiée au président américain Woodrow Wilson (évènement exceptionnel de son vivant).
Paris, redevenue festive et centre des négociations de paix, qui aboutiront l’année suivante aux traités de Versailles et de Saint-Germain-en-Laye: tout le monde peut enfin revenir dans la Ville Lumière pour y gouter la paix!
On ne saura jamais assez gré à notre ami Alberto Toscano de toute la passion, la compétence et le travail fourni pour réunir et nous présenter ces 240 Unes de journaux.
Avec tout ce qu’elle enseigne de ces divers moments historiques, il serait temps que toute sa collection puisse bénéficier d’un musée ou d’une fondation.
Giampaolo Bertuletti
Mairie du Neuf, 6 rue Drouot, Salons Aguado
Entrée libre
Du lundi au vendredi de 10h à 17h, le jeudi jusqu’à 19h. Samedi de 10h à 13h
tel 01 71 37 75 09
Métro Richelieu-Drouot
Visites guidées sur inscription pour les intéressés, les mardis et samedis de 11h à 12h.
Renseignement auprès de Carole de Peretti : 01 71 37 75 42 – carole.deperetti@paris.fr