La Vocation, de Cesare De Marchi

Comment un employé de fast-food, contrarié dans sa vocation d’historien, sombre dans la folie après une tentative d’enlèvement. Une réflexion sur le sens de la destinée humaine, l’histoire d’un combat pour conquérir sa dignité, dans un style qui épouse les méandres de l’esprit humain et le désordre du monde.

“Il n’existe pas de manifestation plus tangible et plus déconcertante du désordre du monde que la folie. Et dans «La Vocation», j’ai essayé de la suivre dans sa naissance et son développement, et je l’ai décrite avec toute la pitié humaine dont je suis capable.”

Cesare De Marchi, à propos de “La Vocation”

Vocation9782330001957.jpg

Luigi Martinotti a trente-cinq ans et vit à Milan. Pour des raisons économiques, il a dû renoncer à des études universitaires et a été successivement gardien de parking et commis dans une librairie. Mais désormais, il est employé dans un fast-food où il fait cuire des frites pendant huit heures par jour. Le week-end, il retrouve Antonella, elle aussi employée dans le même restaurant et mère d’un petit garçon. Malgré l’intensité de leur relation charnelle, malgré son attachement pour l’enfant, Luigi tient à conserver sa liberté pour se consacrer à sa passion secrète : l’Histoire, et plus particulièrement celle d’Attila, dont il tente de percer la stratégie politique. Giuseppe, son meilleur ami, professeur de philosophie atteint de dystrophie musculaire, l’encourage et le pousse à rencontrer un grand historien, Ruggero Romano, qui lui conseillera de travailler sur Charles XII de Suède. Martinotti reprend espoir et se passionne pour la figure de ce roi, mort dans des circonstances mystérieuses. Mais la disparition brutale de Ruggero Romano enlève à notre “plongeur pensant” toute possibilité de salut. Après une rocambolesque tentative d’enlèvement, il est hospitalisé près de Gênes dans une clinique psychiatrique, où il sombre lentement dans l’inertie, avant d’apprendre le suicide de Giuseppe. Il bascule alors, sans doute irrémédiablement, dans la maladie mentale…

Le personnage de Luigi Martinotti a réellement existé il y a une centaine d’années : c’était un cheminot pétri de socialisme philanthropique, et son destin avait intéressé Benedetto Croce. Mais Cesare De Marchi s’est emparé de ce personnage pour en faire un héros contemporain, positif en dépit de son échec : car il lutte de toutes ses forces pour donner un sens à sa vie, de même que Giuseppe se révolte contre sa maladie et se réfugie dans son attirance pour les très jeunes filles. Luigi a même une théorie philosophique : “Il était parvenu à la conviction que c’était l’angoisse du futur qui faisait agir les hommes et la société” : ceux-ci ne peuvent supporter l’insécurité qui les pousse à désirer un changement, dans l’illusion de pouvoir étouffer leur peur ancestrale.

Le talent de Cesare De Marchi consiste à suivre au plus près son personnage, par l’usage du discours indirect libre : sa passion pour l’Histoire, sa paranoïa, la déformation progressive du réel sont perceptibles, pour le lecteur, grâce à la qualité du style, et en particulier des descriptions – une soirée dans une discothèque, le trajet en ambulance jusqu’à l’hôpital psychiatrique, pour ne citer que ces deux exemples, restituent de manière extraordinairement frappante le monde fragmenté de Luigi Martinotti.

Marguerite Pozzoli

— –

Titre : LA VOCATION

Auteur : Cesare De Marchi

Traducteur : Marguerite Pozzoli

Editeur : Actes Sud, Arles, France

Prix : 23.00 €

Sorti le : 02/11/2011


L’AUTEUR :Cesare De Marchi

Cesare De Marchi est né à Gênes en 1949. Il a longtemps vécu à Milan et réside actuellement à Stuttgart, où il préside la Société Dante Alighieri. Il est l’auteur d’essais et de plusieurs romans: Il talento (1997, Prix Campiello et Comisso 1998), Una crociera (2000), Fuga a Sorrento (2003), La furia del mondo (2006, Prix Frignano et Dessì), tous édités chez Feltrinelli.

Il a également traduit des auteurs tels que le cardinal de Retz, Balzac, Schiller, Thomas Mann et Schnitzler.

Les éditions Gallimard ont publié, en 2002, La Maladie du commissaire (Feltrinelli, 1994).

***

CE QU’EN DIT LA PRESSE ITALIENNE

“Après La Vocation, qu’est-ce que De Marchi devra encore nous offrir pour être classé, sans nulle rhétorique, parmi les « rares, grands écrivains italiens », comme le salue son éditeur ? Parmi les voix authentiques de notre littérature, je veux dire celles qui ont « la vocation », allergiques aux encres truquées, aux paillettes, aux affectations : quand verra-t-on se dissiper le maléfice qui semble peser sur lui ?”

Bruno Quaranta (TTL, La Stampa, 16.01.2010)

“De Marchi est l’un des rares écrivains italiens qui sache inventer des histoires intelligentes et passionnantes. Son écriture se maintient sur un registre sobre, mais il est capable d’accélérations narratives particulièrement efficaces.”

Giorgio De Rienzo (Corriere della Sera, 31.01.2010)

“Avec une main sûre, avec une allure tranquille qui ne cède jamais à des envolées rhétoriques, fort de l’histoire qu’il raconte et de sa plongée dans la psychologie des personnages, Cesare De Marchi nous entraîne dans l’abîme de ce jeune homme, en nous faisant vivre sa souffrance sans rédemption.”

Paolo Perazzolo (Il Nostro Tempo, 28. 02. 2010)

“De Marchi suit son héros jusqu’à l’intérieur de la folie, comme Schnitzler. Mais alors qu’il arrive souvent à Schnitzler d’abandonner ses personnages à leur destin, De Marchi ne réduit jamais son personnage à une “chose”. Dans la dernière page, désormais privé de conscience, Luigi, au contraire, parviendra à refermer le cercle.”

Fabrizio Ottaviani (Il Giornale, 31.01. 2010)

“Un roman à la fois simple et complexe, d’une complexité tendre et perverse.”

Giuseppe Marchetti (La Gazzetta di Parma, 26.01.2010)

Article précédentNouveauté! Ciné-club en italien. “Com’è cambiata l’Italia !”
Article suivantIl sobrio che avanza.
Marguerite Pozzoli
Marguerite Pozzoli est née en Italie. Agrégée de Lettres modernes, elle a traduit une centaine de titres. Depuis 1989, elle dirige la collection “Lettres italiennes” pour les éditions Actes Sud. Parmi les auteurs traduits : P. P. Pasolini, A. M. Ortese, Roberto Saviano, Maurizio Maggiani, Giorgio Pressburger, Stefano Benni, Luigi Guarnieri, Valerio Magrelli, Marta Morazzoni... Membre d’ATLF, elle a siégé à la commission Littératures étrangères du CNL. Elle anime régulièrement des ateliers de traduction, occasions rêvées de faire toucher du doigt les dilemmes du traducteur, et découvrir, in fine, que le texte met à mal toutes les théories préétablies.