Théâtre: Risotto à la MC93 avec Amedeo Fago et Fabrizio Beggiato

Une amitié de cinquante ans racontée, le temps de la préparation et de la cuisson d’un risotto d’exception, par deux Italiens (Amedeo Fago et Fabrizio Beggiato) qui, en partageant avec les spectateurs la chronique de leur quotidien, déroulent, avec un humour teinté de nostalgie, l’histoire d’une société italienne qui nous semble infiniment proche.
Un spectacle riche en saveurs, parfums et émotions à découvrir sans tarder!

***

Avec ce spectacle fantaisiste et surprenant, la MC93 propose un moment gastronomique intense. En effet, ce spectacle en français avec accent italien par Amedeo Fago et Fabrizio Beggiato offre une parenthèse enchantée au royaume des saveurs italiennes. Embarquez pour ce voyage gourmand qu’Altritaliani vous recommande chaudement !

risotto--.jpg

Risotto est l’histoire de deux vies et d’une amitié qui commença au lycée Tasso de Rome, il y a bien longtemps. C’est un peu la version micro du film de Giordana Nos meilleures années, l’Italie des cinquante dernières années depuis l’inondation à Florence où des milliers d’étudiants d’Italie vinrent sauver les livres menacés par les eaux, jusqu’à… aujourd’hui. Et autour de cette amitié, cette Italie qu’on aime, belle et prête à toutes les folies, où le rire a parfois le coeur serré.

Plutôt Fellini que Visconti. Risotto a couru la planète, au Brésil et en Russie, à travers l’Europe et à Paris déjà mais on ne s’en lasse pas. Au fourneau, Fabrizio, professeur de philologie à l’Université de Rome. À table, Amedeo, cinéaste et scénographe des films de Bellochio, d’Elio Petri… Ça sent bon dans la salle, le bouillon mijote, Fabrizio travaille le risotto. Quelle saveur aujourd’hui ? Cèpes, herbes, fruits de mer ?

On verra puisque à la fin du spectacle, un verre de vin blanc frais à la main, on sera tous conviés à déguster ce Risotto et à poursuivre la soirée avec Amedeo et Fabrizio. Et si vous venez avec un petit carnet et un stylo, vous pourrez suivre ce cours magistral de gastronomie italienne.

Texte, dramaturgie et mise en scène : Amedeo Fago

Incluant un essai sur l’art du Risotto de Fabrizio Beggiato

Note de l’auteur

Le 24 septembre 1978 au Théâtre “Il Politecnico » de Rome, j’ai fait un acte « d’auto-rétractaction », c’est ainsi que ce 24 septembre 1978 j’ai commencé ma carrière d’auteur théâtral.
Dix ans plus tôt, pour être précis en avril 1968, j’ai laissé pousser ma barbe. Une barbe longue et touffue qui avec mes cheveux me donnait l’allure d’un soixante-huitard, un air de contestataire, de rebelle, de provocateur. Dans les années qui ont suivi 1968, comme beaucoup de gens de ma génération, j’ai traversé des moments de crise profonde.
J’ai commencé alors à rechercher dans les méandres de mon inconscient les raisons de ce mal-être qui prenait le chemin de la folie, la folie de la résignation et de la non résignation. 68 était mort avec 68, la révolution culturelle n’avait pas fait un seul enfant, la jeunesse n’avait pas réussi à rêver. Endormie dans une sorte de demi-torpeur, elle avait voulu troquer la réalité contre un rêve. Cependant, ne parvenant pas à s’endormir vraiment, à abandonner cette réalité, elle avait fini par échanger ses rêves contre la réalité.

«Dans son sommeil, la jeunesse s’était effrayée de la réalité, elle l’avait agressée, mais sans la réfuter vraiment. Insomniaque, elle avait eu peur des songes et les avait niés, sans les comprendre» (Massimo Fagioli, Les Nuits de l’hystérie).

Je fais cette citation parce qu’elle exprime exactement l’état d’esprit qui 10 ans après mai 68 m’a poussé à accomplir ce geste théâtral « d’auto-rétract-action « . C’est ainsi qu’après avoir construit quelques châteaux de cartes et feuilleté les pages de mes carnets de rêves recueillis depuis 10 ans, je me suis rasé la barbe.

Ce fut évidemment une représentation unique qui exprimait, en même temps que la prise de conscience d’un échec, la possibilité «d’une renaissance humaine comme séparée de la réalité passée».

Risotto, d’une certaine manière, est la conséquence et le prolongement d’un discours commencé avec « d’auto-rétractaction », un discours qui s’articule sur deux niveaux : d’un côté une idée du théâtre et de la dramaturgie, de l’autre la mise en scène sans artifices d’actions réelles et concrètes : me tailler la barbe dans « d’auto-rétract-action  » ou cuisiner dans Risotto. Ces gestes soulignent l’unicité de l’expression théâtrale. Le temps d’une soirée, le spectateur de théâtre assiste en temps réel à la naissance puis à la mort d’un spectacle. Une représentation de théâtre, c’est un morceau de vie que le public et les acteurs traversent ensemble. C’est en ce sens que le théâtre plus que le cinéma ressemble au rêve…

D’un autre côté, dans l’apparent minimalisme du récit, apparaît la proposition d’un possible refus comme instrument de changement et de rupture avec le passé. Le refus, obsessionellement répétitif que symbolise le repas, d’un rapport d’identification, libère les deux protagonistes et restitue au risotto sa réalité et sa dignité de met exquis.

AMEDEO FAGO

L’art du risotto par Fabrizio Beggiato

« Tout d’abord il y a le choix du riz. Le riz, il doit être à gros grains. Et puis, tu ne dois pas laver le riz. Tu le mets de côté et tu prépares les autres ingrédients. A savoir un peu de sel et de poivre, le beurre frais et le bouillon naturellement. Bon, évidemment, si tu as un beau bouillon de viande, ou de poulet …tant mieux. Mais même avec un de ces bouillons de légumes, ça va très bien… Ou alors tant pis, même un bouillon cube. Tu prends une marmite de bouillon et tu la mets au feu. Tu allumes… le bouillon doit être chaud, il doit bouillir quand tu fais un risotto, car il faut le rajouter toujours bouillant. Et puis… L’oignon ! Il doit y en avoir beaucoup de l’oignon. Mais… tu dois le laisser cuire bien. Tu dois le cuire doucement : mettre le beurre sur le fond de la casserole où tu vas faire le risotto ; tu le fais fondre et puis tu y mets tout cet oignon coupé fin, fin, fin… encore mieux si tu le râpes, il prendra tout de suite une consistance molle… Tu fais blondir, comme on dit […] jusqu’à ce qu’il devienne bien comme une crème … comme un fond de cuisson crémeux. Voilà à ce moment tu mets le riz et tu tournes, tu tournes immédiatement avec la cuillère à pot. Tu tournes de manière à ce que le riz, comme le dit Pellegrino Artusi, suce… suce toute la sauce. Et maintenant, quant le riz a tout bien absorbé, tu peux y mettre un bon verre de vin blanc sec. Tu laisses évaporer et tu peux déjà commencer à verser le bouillon qui entre-temps mijotait. Tu verses le bouillon, beaucoup de bouillon, … tout de suite beaucoup ; tu dois mettre autant de bouillon qu’il y a de riz, et tu dois faire attention, tu dois le suivre un peu : tu dois rester là, et tourner. Et rajouter le bouillon, et veiller à ce qu’il ne colle pas sur le fond de la casserole, et en même temps qu’il ne soit pas non plus trop liquide ; mais il ne doit pas non plus être trop sec. De temps à autre pendant la cuisson il faut goûter, pour voir à quel point en est la consistance, pour voir s’il est bien salé, s’il est bien poivré ; et quand le riz est cuit à point, alors voilà, tu retires la casserole du feu, tu mets un bon morceau de beurre frais, que tu avais gardé de côté, une bonne poignée de parmesan, et tu le travailles, tu tournes avec la cuillère, tu tournes et tu vois le beurre et le parmesan s’amalgamer avec le risotto, et il devient bien crémeux. Que c’est beau !

A ce moment-là tu peux le mettre directement à table. Mais cette préparation de base, tu peux la varier à ton plaisir. C’est là le charme du risotto, que tu peux le faire avec tout ce qui te passe par la tête. Tu le portes à table et tu le verses. Dans une belle assiette large, c’est préférable, et pas dans une terrine, ni dans une soupière creuse non plus, non il faut plutôt une assiette bien large de manière que quand il coule de la casserole, il s’ouvre, il s’étale, tout bien paisible, bien mou. Il doit ondoyer un peu, comme ils disent à Milan et… il parfume, il fume et il parfume … Et tout autour on se réjouit, c’est vraiment un beau moment celui-là. Tout autour on se réjouit de ce parfum de cuisine-maison qui s’exhale de ce risotto … »

Informations pratiques

Durée 1 heure / Salle Christian Bourgeois

Spectacle à 20h30 les lundis, mardis, vendredi et samedi, à 15h30 les dimanches.

MC93 Bobigny – 9 boulevard Lénine – 93000 Bobigny

Plus d’informations : www.mc93.com

 

Article précédentIn mostra a Parigi “Napoléon III et l’Italie : naissance d’une nation 1848-1870”
Article suivantRomeo Castellucci, Sul concetto di volto nel figlio di Dio