FIPA 2011. «L’Italie perd ses ressources culturelles et personne ne semble s’en inquiéter !»

Vénitienne, l’entreprenante et passionnée déléguée générale du FIPA (Festival international de programmes audiovisuels) depuis deux ans, TERESA CAVINA, revient sur son itinéraire personnel, livre ses coups de cœur (italiens) de cette édition 2011 et nous parle des difficultés actuelles de la production audiovisuelle dans un Bel Paese soumis à l’empire télévisuel… de qui vous savez.


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ALTRITALIANI : Comment devient-on déléguée générale du FIPA ?

Teresa Cavina : Au moment où j’achevais mes études, j’ai eu la chance de connaître certains dirigeants de la Mostra del cinema, car j’avais trouvé un petit job à la Biennale di Venezia. Ils m’ont proposé de faire une expérience dans le secteur cinéma. Je me suis rapidement passionnée pour ce domaine, et j’ai continué à travailler pour des festivals. D’abord pour la Mostra pendant huit ans, puis à nouveau huit ans au festival de Locarno. Ensuite, avec d’autres collègues, nous avons lancé le festival de Rome, où je suis restée trois ans. Et depuis l’an dernier, je suis déléguée générale du FIPA à Biarritz, ce dont je suis très heureuse !

C’est donc vous qui êtes principalement chargée de décider de sa programmation – soit cette année, plus de 350 films, séries, reportages, documentaires, etc… Comment faites-vous ? Y a-t-il une ligne éditoriale qui guide vos choix ici à Biarritz ?

Pour moi, ce sont d’abord les œuvres qui doivent nous dire quelque chose, en les regardant sans préjugés ni idées préconçues. A part une exigence de qualité, je n’ai aucune grille de lecture prédéfinie, dans laquelle les œuvres devraient s’inscrire. J’essaie de comprendre, de sentir ce qu’elles expriment. Pourtant, étrangement, de façon presque magique, une couleur, un paysage se dessinent, transparaissent peu à peu. Dans un festival, le goût du directeur artistique fait le lien entre des œuvres a priori sans rapport les unes avec les autres. Mais souvent, à la fin, le public perçoit souvent une sorte d’harmonie qui réunit les choix qui ont mené à la sélection. Si l’an dernier, un grand nombre d’œuvres abordaient, évidemment avec des formes très différentes, la question du nazisme, ce qui sans aucun doute traduisait un fort besoin de mémoire, cette année, il est plus difficile de trouver un fil rouge, de voir se dessiner un thème dominant. Même si de nombreuses œuvres s’interrogent sur le sens des guerres en Afghanistan et en Irak…

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Y a-t-il une influence italienne sur votre programmation ? Et comment se porte selon vous la production audiovisuelle italienne ?

Il y a bien sûr une influence italienne, simplement parce que je suis italienne, mais il n’y a pas au FIPA plus d’œuvres italiennes que d’autres pays dans la programmation. Je suis en tout cas heureuse que l’Italie soit présente à Biarritz, avec plusieurs œuvres de qualité. Je pense à la série de Marco Turco C’era una volta la città dei matti, je pense au très beau Fate la storia senza di me de Mirko Capozzoli, à Iran about d’Emilio Casalini sur la jeunesse iranienne, ou à Ward 54 de Monico Maggioni, grand reporter à la RAI, qui signe un documentaire terrifiant sur cet hôpital de Washington qui accueille les soldats américains de retour d’Irak ou d’Afghanistan… Cela prouve que, malgré toutes les difficultés auxquelles elle doit faire face, la production italienne s’accroche et réalise malgré tout de belles choses. En particulier, les productions qui ont une participation de la RAI sont d’une grande qualité, alors que la RAI traverse une crise aiguë depuis plusieurs années.

Aussi, je dirais que le niveau de qualité de la production télévisuelle est nettement supérieur à ce à quoi l’on pourrait s’attendre en Italie, vu la situation actuelle. En effet, en ce qui concerne les petites maisons de production indépendantes, aussi bien celles qui bénéficient des subsides de la RAI que celles qui espèrent vendre ensuite leurs œuvres à la RAI, elles sont toutes aujourd’hui dans une situation de grande souffrance. Nombre d’entre elles sont en train ou vont devoir mettre la clé sous la porte ! Et c’est une perte de créativité immense pour l’Italie ! L’Italie est en train de perdre ses ressources culturelles et personne ne me semble vraiment s’en inquiéter !

Entretien et traduction par Olivier Doubre

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