FIPA 2010, version « Made in Italy ». A Biarritz, les télé font leur marché.

Qualité et genres multiples. A l’occasion de sa 23e édition, du 26 au 31 janvier, le Festival International de Programmes audiovisuels (Fipa) dessine un état des lieux de la création audiovisuelle et nous conforte dans l’idée qu’on pourrait se faire d’ »une autre télé ». Avec nombre de productions italiennes.


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Créé en 1987 par Michel Mitrani, le Fipa s’est imposé comme le plus important festival de télévision au monde. Domicilié à Biarritz depuis une dizaine d’années, sa 23e édition s’est déroulée pour la première fois sous la direction générale de Teresa Cavina, succédant à Pierre-Henri Deleau. Teresa Cavina dont le curriculum vitae est largement imprégné de cinéma. Auparavant à la tête des festivals de Rome, de Venise et de Locarno.

Entre fictions, séries et feuilletons, documentaires de création et essais, musique et spectacles, grands reportages, faits de société et programmes courts, le Fipa propose une confrontation d’une trentaine de pays à travers une centaine d’œuvres. A la clé, réalisateurs, scénaristes, interprètes et musiciens décernent quelques lauriers (Fipa d’or et d’argent). Si les professionnels des médias viennent ici pour prospecter, acquérir des œuvres pour les diffuser d’une chaîne à l’autre, d’un pays à l’autre (en moyenne, deux tiers des films présentés ne sont pas achetés, donc pas diffusés), l’intérêt du festival est aussi d’être ouvert au public. Donnant l’occasion d’imaginer une autre télévision, plus ou moins idéale. Jusqu’en Italie, qui a fourni, à l’occasion de cette nouvelle édition nombre d’œuvres originales.

Passons sur Il Sorteggio, une fiction de Giacomo Campiotti, revenant sur les années de plomb, à travers le portrait d’un ouvrier de Fiat (interprété remarquablement par Giuseppe Fiorello), désigné juré au premier procès des brigades rouges, à Turin, en 1977. Sujet ambitieux mais décevant dans sa réalisation, caricaturant autant les revendications ouvrières que les personnalités des Brigadistes.

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La production italienne s’est surtout illustrée par ses documentaires. Eclectiques, réalistes, dans une Italie brossant son autoportrait, d’un film à l’autre. Une Italie accrochée résolument à ses mythes, ses madones, telle que la Mangano, dont Maite Carpio retrace l’itinéraire, avec Sorriso amaro, entre archives, extraits de films et témoignages (celui de Mario Monicelli notamment, des filles de la comédienne, Veronica et Francesca, ceux encore du critique Tullio Kezich et du scénariste Furio Scarpelli).

Brusque poussée vers le présent, liant hier à aujourd’hui, représentant un autre mythe, Alessandra Speciale a choisi l’univers de la mamma. L’univers de ces vieilles dames épaulées à domicile par ces précieuses milliers de jeunes femmes, d’origine latino-américaine, immigrées clandestines. Ritratto di famiglia con badante livre cet accompagnement au quotidien, souvent ingrat, jalonné de petits détails, de la médicamentation à la toilette, des premiers soins aux menues commissions, jusqu’aux repas. Dans la tranquillité des intérieurs, la réalisatrice saisit l’incompréhension dans ce choc de culture, de génération. Pas grand-chose en commun, en effet, sinon une ferveur religieuse. De quoi créer de l’aigreur et de l’amertume dans la dépendance d’une vieille dame prisonnière de son intérieur, de son passé, de ses artères. De quoi créer du désespoir dans la dépendance de ces « latinos », précaires, obligées de gagner quelques euros qu’il faudra envoyer au pays. Un engagement contraint en somme.

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L’engagement, un autre aspect de la sélection italienne présentée cette année à Biarritz. A commencer par Ragazze, la vita trema, de Paola Sangiovanni, fouillant dans l’histoire personnelle de femmes issues d’horizons et de milieux différents, aux destins croisés dans les années 1960 et 1970. Avec pour point commun les luttes féministes. Puisant dans les archives militantes, la réalisatrice revient sur la prise de conscience de soi, de son propre corps, sur le divorce et le droit à la contraception et à l’avortement. Des luttes racontées à la première personne qui n’en sont pas moins collectives.

Collectives, comme le rapporte le documentaire de Sara Donati et Stefano de Felici, Caccia Grossa, époustouflant montage d’une cinquantaine de vidéo-amateurs filmant le voyage de milliers de personnes vers la manifestation syndicale du 4 avril 2009, à Rome. Dans ce qui demeure le premier exemple de démocratisation du langage documentaire social, plusieurs générations d’ouvriers, de cadres, en provenance de toute l’Italie, y expriment, face caméra, leurs revendications, leurs espoirs, leurs colères.

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Le mouvement évoqué dans Caccia Grossa pourrait être la réponse au documentaire d’Erik Gandini, Videocracy, portrait en creux de l’ère Berlusconi et véritable interrogation du paysage audiovisuel italien des trois dernières décennies et dont l’histoire d’une potiche de plateaux de télévision parvenue au rang de ministre de l’Egalité des sexes est finalement exemplaire.

Si l’on y ajoute 0,9 ampère, de Giotto Barbieri, un documentaire consacré à l’usage de l’électrochoc dans les hôpitaux psychiatriques, mis au point par Ugo Cerletti dans les années 1930, neuropsychiatre à Rome, ou encore Itiburtinoterzo, de Roberta Torre, sur un quartier underground dans la périphérie romaine, déjanté et bigarré, d’un film à l’autre, la production italienne affirme ainsi sa vitalité.

A Biarritz, les professionnels de l’audiovisuels sont là pour faire leur marché. Ils ont le choix dans les acquisitions.

Olivier Doubre

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