La Flûte enchantée par l’Orchestra di Piazza Vittorio

L’Orchestra di Piazza Vittorio, avec Petra Magoni (chanteuse de « Musica Nuda »), revisite l’opéra de Mozart et en propose une version populaire, colorée, aux couleurs de la fraternité à l’image de cet orchestre multi-ethnique, né à Rome en 2002 grâce au musicien Mario Tonco et désormais bien connu en France grâce au film d’Agostino Ferrente. Une aubaine à ne pas manquer !


Un hymne inter-national

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C’est une Flûte enchantée particulière, vous vous en doutez bien. Ça commence par un solo de tablâ de l’Inde, suivi d’une très belle mélodie chantée au oud, et lorsque les violons reprennent un peu le contrôle de la situation, le son merveilleux d’une kora africaine nous replonge dans le rêve le plus étrange. Mario Tronco le fondateur de l’Orchestra di Piazza Vittorio s’est dit qu’il fallait jouer cette oeuvre comme si Mozart était en train de la composer, inspiré par les contes et les musiques populaires. Comme si ces airs et ces contes avaient juste été transmis oralement à travers les histoires et les chants de tous les pays dont les musiciens sont originaires, en incluant toutes les imperfections de la mémoire transmise et toutes les mutations, qui s’opèrent quand on transforme une mélodie dans son propre langage musical.

Et ils viennent de partout, les musiciens : d’Italie (des rues de Rome comme de la vénérable institution Santa Cecilia), de Tunisie, d’Argentine, du Brésil, de Hongrie, des Etats- Unis… Papageno est un griot du Sénégal, le prince Tamino un percussionniste cubain, Pamina, Anglaise et folk singer, Sarastro est équatorien et joue de la flûte des Andes. Quant à la Reine de la nuit, l’Italienne Petra Magoni, elle dirige un gang arabe d’une voix de fer. Et quand les percussions de trois continents s’en mêlent (afro-indo-cubaines), c’est que ça va chauffer. Cette Flûte enchantée populaire, interprétée avec beaucoup de fierté et de pudeur, est une nouvelle sorte d’hymne, un hymne inter-national, un hymne aux latitudes, aux couleurs, à la fraternité. C’est beau. C’est une fête. Réussie.

J’habite un appartement qui donne sur une cour intérieure, dans le Quartier Esquilin, dominé par l’une des plus grandes places de Rome (Place Victor Emmanuel II).

Les cours intérieures ont toujours été une de mes passions, j’aime le son des cours intérieures. Le bruit des assiettes à l’heure du dîner, les éclats de rire frénétiques des enfants, les pleurs des nouveau-nés, tristes quintes de toux des personnes âgées, les impertinentes radios des jeunes filles, et le silence… Dieu merci… le silence aussi.

Mais il existe une chose qui rend unique, tout au moins pour Rome, le son de la cour où j’habite. L’Esquilin est sûrement le seul quartier de la ville où les Italiens constituent une minorité ethnique, le monde entier traverse et participe à la vie de la Place. Ce qui rend unique le son de la cour où j’habite, c’est sa langue. C’est l’envie de reproduire, par un concert, ce son, qu’est née l’idée de l’Orchestra di Piazza Vittorio.

Mario Tronco

Comment La Flûte enchantée par l’Orchestra di Piazza Vittorio est-elle née ?

Elle est née sur une proposition de Daniele Abbado pour le Festival Notte Bianca de Reggio Emila. Le projet nous semblait fou, et puis nous avons décidé de la mener comme si l’opéra de Mozart faisait partie de toutes les cultures musicales de la Piazza Vittorio, comme s’il s’agissait d’une fable transmise oralement et parvenue de différentes manières à chacun de nos musiciens. Il est arrivé ce qui arrive à chaque fois qu’une histoire passe de bouche en bouche, les événements et les personnages se sont transformés, et la musique s’est également éloignée de la partition originale : c’est devenu La Flûte enchantée par l’Orchestra di Piazza Vittorio.

Comment les rôles ont-ils été distribués ?

Les rôles ont été confiés aux musiciens en fonction d’une ressemblance de caractère ou par affinité avec certaines expériences vécues : Tamino est joué par Ernesto Lopez Maturell, un jeune homme de 22 ans qui a toute l’exubérance de son jeune âge ; notre prince n’est pas tant poussé par l’amour pour Pamina que par le désir d’aventure et par la peur de l’inconnu, qui, à cet âge-là, se transforme en excitation ; le grand prêtre Sarastro est joué par Carlos Paz, un artiste qui a un rapport très fort à la politique et à la religion, et qui nous parle très souvent des rites chamaniques de son pays. Le rôle de la Reine de la Nuit est un des rares rôles à être interprété par une artiste occidentale, Petra Magoni, une virtuose du chant au répertoire très vaste qui va de Monteverdi aux Beatles. Sa Reine a un caractère mystérieux, à la fois solaire et sombre. Pap a immédiatement été notre Papageno, une personne simple et profonde avec un caractère très proche du personnage de Mozart. En ce sens nous avons repris une suggestion présente dans La Flûte enchantée d’Ingmar Bergman, où, pendant l’Ouverture, se succèdent des premiers plans du public, comme pour chercher la flûte dans la société, et les personnages parmi les gens ordinaires.

Avez-vous maintenu les références à la franc-maçonnerie, si présentes dans l’opéra de Mozart ?

Nous avons préféré ne pas considérer cet élément qui a pris une signification et des connotations complètement différentes de celles qui existaient à l’époque de Mozart. Nous voulons raconter une Flûte enchantée contemporaine, qui se déroule dans une société multiethnique d’aujourd’hui.

Comment la partition a t-elle été traitée ?

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Il ne s’agit pas d ‘exécuter intégralement l’opéra de Mozart, nous avons travaillé très librement en utilisant seulement ce qui est plausible pour l’Orchestra di Piazza Vittorio. Les mélodies sont reconnaissables mais certaines seront seulement esquissées, sans être développées et sans moments de virtuosité, elles sont entrecoupées par des moments originaux de l’Orchestre (…). Du reggae à la musique classique et à la musique pop et au jazz, notre musique est pleine de références aux autres cultures, nos musiciens ont des backgrounds très éloignés, et pas seulement géographiquement.

Et le récit ?

Là aussi nous avons pris beaucoup de libertés par rapport à « l’original » : ceux qui connaissent le déroulement des événements et les relations entre les personnages découvriront une autre version possible des faits, celle que les musiciens de l’Orchestra di Pizza Vittorio ont imaginé en fonction de leur interprétation et qui se situe dans un monde contemporain. Nous découvrirons peut-être que, le véritable héros n’est pas Tamino… et que les personnages féminins, contrairement à l’opéra de Mozart, peuvent grâce à leur caractère, changer le cours des événements et jouer un rôle déterminant.

Chaque musicien apporte dans l’opéra sa propre culture : en combien de langues cette Flûte enchantée est-elle interprétée ?

En six langues au moins : arabe, anglais, espagnol, allemand, portugais, wolof…

Que retrouvons nous de l’Orchestra ?

Le public retrouve exactement l’Orchestra : notre Flûte enchantée est un travail collectif et se rapproche plus d’un concert qu’une représentation théâtrale. Il y a une forte sensation de liberté et d’improvisation.

A lire : l’article d’Altritaliani sur l’Orchestra di Piazza Vittorio et le documentaire d’Agostino Ferrente

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Spectacle en italien, allemand et autres langues surtitré en français.
Avec l’Orchestra di Piazza Vittorio et le Choeur orchestra di Piazza Vittorio.
Adapté de Wolfgang Amadeus Mozart, adaptation musicale Mario Tronco et Leandro Piccioni.

Avec Omar Lopez Vale, El Hadij Yeri Samb, Petra Magoni, Sylvie Lewis, Awalys Ernesto Lopez Maturel , Carlos Paz Duque, Houcine Ataa, Raul Sceba, Ziad Trabelsi, John Maida, Gaia Orsoni, Zsuzsana Krasznai, Pino Pecoreli, Evandro Dos Reis, Sanjay Kansa Banik.

Spectacle les vendredi 29, samedi 30 à 21 h et dimanche 31 janvier à 15h30

Durée : 1h30

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