Annecy Cinéma italien. Entretien avec Jean A. Gili, Délégué général du Festival.

Le festival Annecy Cinéma italien 20O9, 27e Edition, vient de se terminer. Le grand Prix a été attribué au film « La bella gente » de Ivano De Matteo, le Prix Spécial du Jury à « La Pivellina » de Tizza Covi et Rainer Frimmel, le Prix du Public à « Sbirri » de Roberto Burchielli. A l’issue de cette fête annuelle du cinéma italien, toujours très attendue du public, nous avons souhaité tirer quelques conclusions de cette 27e Edition et la santé actuelle du cinéma transalpin. Jean A. Gili a aimablement répondu à nos questions.

Jean A. Gili se bat depuis des années pour le cinéma italien. C’est l’avocat par excellence de la cause du cinéma italien en France. Critique, professeur d’histoire du cinéma à l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne, il a également publié de nombreux ouvrages, tels « Le Cinéma italien », des portraits de grands réalisateurs comme « Nanni Moretti », Luigi Comencini, Paolo et Vttorio Taviani. Son nouveau-né sort en librairie le 15 octobre : « Federico Fellini, la magicien du réel » (Découvertes Gallimard). Ce livre vous est présenté plus en détails en fin d’article.*

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En France, on évoque trop souvent le cinéma italien au passé, avec des trémolos dans la voix en citant les metteurs en scène et les films des générations précédentes. Vous travaillez pour faire échec à l’idée reçue que le cinéma italien est moribond. Cette 27e Edition d’Annecy Cinéma italien a-t-elle contribué à en donner la preuve contraire ?

Le programme proposé, composé non seulement de films du patrimoine, mais aussi d’œuvres récentes a offert de nombreuses découvertes de qualité au public. Le cinéma italien est bien vivant. Les neuf premiers ou seconds films qui ont composé la sélection officielle, véritable baromètre du dynamisme du cinéma italien actuel, ont dressé le portrait d’un pays parcouru par de multiples contradictions et défis. Quant aux documentaires, ils ont abordé par d’autres voies les problématiques de la fiction.

Les films en compétition étaient variés, tant dramatiques que comiques, la sélection intéressante, visiblement appréciée par le public. Comment vous y prenez-vous ?

Pour réussir une sélection il faut avoir l’œil, voir beaucoup de films, avoir un goût éclectique et ne pas avoir d’a priori. Mais, avant tout, il est évident qu’il faut qu’il y ait des films. Il n’y a pas si longtemps, il s’avérait parfois difficile de trouver neuf films de qualité.

Or, cette année, la sélection d’Annecy, si diverse en genres, dont les sujets abordaient des thématiques très variées comme la vie quotidienne, la société d’aujourd’hui, la politique, la police et ceux qu’elle combat, la prison, le questionnement identitaire, la religion, l’immigration…, a été particulièrement difficile en raison du très grand nombre d’œuvres que nous avons dû visionner. Parfois, le choix a été douloureux.

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Ce programme 2009 – délibérément éclectique, comme je le disais – a aussi cherché à rendre compte des identités régionales propres à l’Italie, à commencer par les paysages : le Milan nocturne de Sbirri, le Trieste froid de Dall’altra parte del Mare de Jean Sarto, ou chaleureux de Diverso da chi ? d’Umberto Carteni, la lagune vénitienne de Velma de Piero Tomaselli, la Rome périphérique de La Pivellina ou celle d’un quartier populaire du centre de Good Morning Aman de Claudio Noce. Et aussi la campagne des résidences secondaires de La bella gente d’Ivano De Matteo ou celle mystérieuse de Pandemia de Lucio Fiorentino, incursion dans un futur inquiétant.

De quelle qualité était cette 27e Edition ?

Beaucoup de jeunes parviennent, grâce à leur opiniâtreté, à satisfaire leur désir d’expression et tournent des œuvres ambitieuses même avec des moyens limités.
En somme, je dirais que la qualité globale de cette édition a été meilleure que celle de l’année dernière et que le cinéma italien n’est pas malade, encore moins moribond !

Heureusement qu’existent quelques festivals du cinéma italien en France pour nous permettre de découvrir cette nouvelle cinématographie. Peu de films récents sortent en salles en France.

Oui, c’est déplorable. Sur quelque cent films italiens sortis dans le courant de l’année en Italie, dont une quarantaine de premiers films, seuls quatre films ont été diffusés dans l’hexagone : La Sicilienne de Marco Amenta, Pranzo di Ferragosto de Gianni Di Gregorio, Il Grido di Pippo Delbono, Toto’ che visse due volte de Cipri’ et Maresco, en attendant Vincere de Marco Bellocchio qui sortira en novembre.

Trop de distributeurs pensent que le cinéma italien actuel n’est pas porteur. Ils sont rares à vouloir prendre des risques. Quand ils le font, c’est avec frilosité en n’accompagnant la sortie des films de presque aucune campagne de publicité. Peu de copies circulent, le nombre de salles qui projettent ces films est très restreint, si bien que leur temps de diffusion est court.

Le programme du Festival comprenait parmi bien d’autres choses un hommage à la région des Pouilles ? Pourquoi ce choix ?

Chaque année, une région d’Italie est à l’honneur, une année le Nord, une année le Sud. L’année dernière, c’était la Toscane. Dans deux ans, la prochaine région du Sud sera sans doute la Sicile.

Cette année, notre choix a porté sur les Pouilles, région encore mal connue, moins touristique que d’autres, mais qui a désormais le vent en poupe. C’est une terre de frontière, d’immigration, les habitants y sont accueillants et on y trouve de splendides paysages, du Gargano au Salento. Elle reçoit en outre de nombreuses équipes de tournage (et pas seulement pour y faire des westerns). Gianni Amelio, Pupi Avati, Cristina Comencini, Gabriele Salvatores et bien d’autres encore y ont tourné un film ou des séquences essentielles. On pourrait prolonger cette liste avec les noms de jeunes auteurs pouillais comme Edoardo Winspeare, Nico Cirasola, Alessandro Piva, sans oublier Sergio Rubini.

Coïncidence, pour cette année, le bénéficiaire du prix Sergio Leone est justement le réalisateur Edoardo Winspeare, qui est un ardent défenseur de la terre du Salento où il a passé son enfance et continue à vivre.

Y a-t-il un « après Annecy » ?

On l’espère, très fort, notamment pour Ivano De Matteo ! C’est le grand gagnant de cette édition 2009. Son très beau film  » La belle gente » est toutefois l’otage d’une sombre bagarre entre producteur et réalisateur, si bien qu’il est bloqué et n’a pas encore de distributeur. Les deux Prix qui lui ont été décernés et combien mérités (Le Grand Prix et le Prix du Jury Cinémas d’Art et d’Essai) devraient l’aider à sortir son film en Italie et il est à espérer qu’il arrive ensuite en France.

Et puis, après son succès à Annecy, « La bella gente » a des chances d’être présenté au festival du Turin.

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A télécharger : le Palmarès du Festival

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*Jean A. GILI, Federico Fellini, la Magicien du réel

Découvertes Gallimard/ Nouveautés Série art no 549

En librairie le 15/10/2009 Prix 13,90E

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«Les choses les plus réelles sont celles que j’ai inventées», confiait Federico Fellini. Au cours d’une carrière riche de chefs-d’œuvre, Les Vitelloni La Strada, La Dolce Vita, Huit et demi, Satyricon, Amarcord, Casanova, Et vogue le navire, La Voix de la lune, Fellini a créé l’un des univers les plus fascinants du cinéma. Un monde fantastique qui n’appartient qu’à lui, où le passé, le présent et le futur, les souvenirs, le réel et l’imaginaire sont inextricablement mêlés, où la condition humaine apparaît dans toute sa force grotesque et tragique, lubrique et spirituelle. Jean A. Gili retrace le parcours de ce magicien du réel, et nous entraîne dans les arcanes de la création fellinienne. De l’écriture du scénario à la postproduction, l’aventure du film se révèle une expérience totale, préméditée et improvisée, au gré de la fantaisie du créateur. Une fête perpétuelle où l’on croise, parmi une multitude d’anonymes, des collaborateurs fidèles, Tullio Pinelli, Giuseppe Rotunno, Dante Ferretti, Nino Rota, et des visages familiers, Giulietta Masina, Marcello Mastroianni, Anita Ekberg…

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Evolena
Michèle Gesbert est née à Genève. Après des études de langues et secrétariat de direction elle s'installe à Paris dans les années '70 et travaille à l'Ambassade de Suisse (culture, presse et communication). Suit une expérience associative auprès d'enfants en difficulté de langage et parole. Plus tard elle attrape le virus de l'Italie, sa langue et sa/ses culture(s). Contrairement au covid c'est un virus bienfaisant qu'elle souhaite partager et transmettre. Membre-fondatrice et présidente d'Altritaliani depuis 2009. Coordinatrice et animatrice du site.