L’Histoire de Mario: Mario Rigoni Stern. Un “cœur pensant” de la littérature italienne.

Dans “L’Histoire de Mario” (Editions arléa 2014), Rigoni Stern est en conversation avec Giulio Milani sur des sujets qui lui sont chers: son expérience vécue de la guerre et particulièrement sur le front russe, ses débuts d’écrivain et ses relations avec le milieu de l’édition, mais aussi la scène politique mondiale plus proche de nous, le «cas» Berlusconi, jusqu’à son engagement pour la conservation de la forêt.

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Notre vie est toujours, à ses yeux, une «brève histoire de notre futur», déchirante et par moments presque prophétique.

Ces entretiens ont été publiés cinq mois avant la mort de Mario Rigoni Stern qui a eu l’occasion de relire et d’approuver l’ensemble de ces textes, car il importait à Rigoni Stern d’être fidèle à lui-même.

La simplicité est tout qu’il y a de plus subtil chez lui : nous lisons ses pages comme si les choses les plus complexes, les plus rudes parfois, étaient une évidence. D’une évidente simplicité. Et c’est ce qui fait la force de son écriture.
Plus qu’un écrivain ou un romancier, il aimait se définir comme «un narrateur qui raconte ce qu’il a vu et vécu», car l’expérience de la réalité lui tenait à cœur. «Dans la forêt de la littérature, je suis un saule nain» disait-il. Il ne se considérait ni comme un écrivain de profession, ni comme un «intellectuel».

Il a pourtant subi le même sort que Primo Levi qu’il a bien connu et côtoyé. Comme lui, pendant plusieurs années, il a été considéré plus comme un témoin ou un chroniqueur de guerre qu’un écrivain.

Tous deux partagent la même difficulté à faire entendre ce qu’ils ont vu et vécu, comme il le rappelle dans L’Histoire de Mario : «Avec Primo Levi, vous avez partagé une amitié. Quel souvenir avez-vous de lui ? Nous étions des amis proches. Il venait parfois chez moi, et j’allais parfois chez lui. C’était un homme qui portait tellement de tristesse dans son cœur, et qui essayait de l’apaiser grâce à la science et la poésie. Primo Levi, je me souviens des dernières choses que nous nous sommes écrites, que nous nous sommes dites… Il me disait comme il était devenu difficile de vivre en ville, que les voitures l’empêchaient de sortir de chez lui, en quelque sorte. Il ne pouvait pas quitter sa maison pour aller se promener, parce qu’il y avait des voitures partout.
«Même pour venir te voir, m’avait-il dit, je dois monter dans la voiture, sortir de la ville et affronter l’autoroute qui me fait si peur…»

Mais Rigoni Stern n’est pas seulement un écrivain de la guerre. Les œuvres parues après Le Sergent dans la neige, qui l’a rendu célèbre, témoignent déjà de ce qu’il y a de plus personnel et de plus universel dans ses écrits : le grand amour d’un homme pour sa terre natale, sa «petite patrie» qui, à travers la langue, va bien au-delà des confins de sa région pour se situer dans un contexte universel. Une langue, celle de Rigoni Stern, extrêmement poétique et littéraire, que l’on pourrait qualifier de langue des confins, ou langue plurielle. C’est un mélange de culture familiale, de cultures locales et transfrontalières qui tend vers l’universel, car il va à l’essentiel, simplement, clairement, en harmonie avec la Nature et l’Homme.

Son œuvre est enracinée dans le paysage et l’histoire à la fois, elle n’est pas «inspirée», elle est plutôt le témoignage littéraire d’une vie…

On apprécie dans son œuvre les grands thèmes universels qui, s’ils sont graves et personnels, concernent néanmoins toutes les générations et traversent les siècles, car ils sont chargés d’humanisme. Et touchants, tout simplement.

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L’AUTEUR

Mario Rigoni Stern (1921-2008) est l’un des grands écrivains italiens du XXe siècle. Il est né à Asiago (Vicence) le 1er novembre 1921. En 1940, au moment de l’entrée en guerre de l’Italie, il combat comme alpin dans la division Tridentine, bataillon Vestone, à la frontière française. Il suit ainsi le destin de son bataillon en Albanie et en Grèce, avant de partir pour le front russe au cours de l’été 1942, où il participe aux batailles les plus marquantes sur ce front meurtrier. Interné dans un camp de concentration allemand en Mazurie en 1943, il rentrera chez lui à pied, après deux ans de lager, le 9 mai 1945.

Après la guerre, il revient à Asiago qu’il ne quittera jamais plus, où il vivra jusqu’à sa mort, dans la maison qu’il avait construite de ses mains à la lisière de la forêt.

Les principaux thèmes de ses écrits tournent autour de souvenirs rapportés ou vécus (notamment le front russe ou ses longs mois de captivité), des deux guerres mondiales, de récits de chasse et d’animaux, ou de nature en général à laquelle il rend hommage avec une grande simplicité.

Maude Dalla Chiara et Frédérique Laurent

En savoir plus : Présentation de l’éditeur

L’HISTOIRE DE MARIO: MARIO RIGONI STERN
TITRE ORIGINAL STORIA DI MARIO
15€
http://www.arlea.fr/L-Histoire-de-Mario

La remarquable critique de Veneranda Paladino sur Les Dernières Nouvelles d’Alsace
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