Grido, de Pippo Delbono

Aujourd’ hui sort le film autobiographique du metteur en scène de théâtre et réalisateur PIPPO DELBONO. Il évoque sa rencontre avec BOBO, un ancien interné psychiatrique qui participe depuis à tous ses spectacles.

C’est l’histoire d’un homme qui a tout perdu, amour, santé, raison, sentiments. C’est l’histoire d’un homme qui est revenu de tout et surtout, de ce dont d’ habitude on ne revient pas ! C’est une histoire pleine de bruit et de fureur. Désordre, cris, déchaînement de passions, violence. Des close-up de bouches qui éructent, des regards assassins, des corps entassés que l’on enjambe ; la vie dissolue d’ HENRI V filmée au plus près lors de répétitions. Plans serrés. Montage rapide, haché : chaos d’une ville agitée et bruyante, NAPLES, et tumulte sur scène alternent. Débauche, excès, pénombre. Gros plan d’un cri avorté. Douleur.

PIPPO s’expose sans pudeur, se met à nu. Première partie déroutante dont on sort
exténué.

coiffeur-2.jpgBOBO entre alors en scène. Les plans s’élargissent, le calme
revient. C’est toujours l’histoire d’un homme, condamné, déjà mort, au regard encore tellement triste et désespéré. Il a perdu la raison et rencontre un autre homme qui lui, n’a jamais eu de raison. Un homme encore plus égaré que lui, au regard absent et qui ne sait même pas ce qu’est le désespoir. Un précieux acteur. Une montagne de muscles, d’énergie et de douleur se met au service d’un plus faible. Un couple digne des comédies burlesques du muet se crée, un » buddy movie » s’invente. Tels LAUREL et HARDY : PIPPO et BOBO chez le coiffeur, ballet de chaises… PIPPO et BOBO en chemise hawaïenne voyante et lunettes noires sur la galerie d’un bus touristique… Casquettes
rouges… PIPPO et BOBO à vespa, BOBO disparaissant sous son casque… PIPPO et
BOBO allongés sur le lit… La tourmente s’apaise, la couleur reprend ses droits, le vert des pelouses est acidulé, le soleil brille à travers les branches des palmiers, violets, les oiseaux
chantent. Sérénité. PIPPO trouve une raison de vivre et BOBO se met enfin à vivre après 45 ans passées dans un asile d’aliénés. BOBO cabotine ! BOBO existe !

Qui sauve qui ? Qui est l’élève, qui est le maître ? C’est l’histoire d’un don, d’une rédemption. Folie, sexe, drogue, haine laissent la place à la poésie, la tendresse, la mélancolie qui affleurent à chaque plan ; un amour rédempteur remplace un amour destructeur, dans la ville où l’amour a commencé et fini tragiquement : « Un jour en rentrant, je l’ai vu endormi sur le lit et j’ai souhaité qu’il meure. Et un jour il est mort ».

Ça prend aux tripes, ça tire des larmes, on a la gorge nouée, on est ému et on meurt de rire (mémorable scène dans un « hôtel musée »). Aucun pathos. Un conte moderne, merveilleux, sans fée ni « happy end ». Juste une belle leçon de vie. « Un hiver se transformera toujours en printemps, ce n’est pas la peine d’avoir peur ! »

Marie SOREL

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